Madame Hofmann
Sébastien Lifshitz (2024)
"Madame Hofmann", portrait d'une infirmière responsable d'une unité de soins palliatifs sur le point de prendre sa retraite est une fois de plus l'illustration de ce qui est à mes yeux la qualité première des documentaires de Sebastien LIFSHITZ: sa capacité à rendre compte du réel qui chez moi provoque une identification aux protagonistes alors même qu'ils sont a priori éloignés de ma vie. Notamment par le sens accordé à des détails intimistes qui respirent l'authenticité. Je pense à l'attention portée à la mère de Sylvie Hofmann, elle aussi ancienne infirmière, elle aussi prédisposée au cancer, un personnage haut en couleurs mais qui m'a tout de même rappelé ma propre mère par l'âge, les origines mais aussi par des photos anciennes, l'une, prise à l'école absolument identique à celle qui existe dans notre propre album de famille et l'autre, où elle porte un tablier identique à celui qui a accompagné mon enfance. Ce sont également des photos anciennes qui ont été à l'origine de l'idée de Sebastien LIFSHITZ d'écrire l'histoire de "Les Invisibles" (2012). Le film agit également comme une piqûre de rappel, ce temps pas si lointain où, confinés pour cause de Covid-19, nous applaudissions tous les soirs le personnel soignant, celui-là même qui est si malmené à l'hôpital public sur fond de restrictions budgétaires, de sous-effectif chronique et de choix idéologiques allant à l'encontre de l'intérêt général. C'est aussi dans l'articulation entre un portrait individuel et un contexte politico-social que Sebastien LIFSHITZ montre toute sa subtilité, à rebours des gros sabots de "La Fracture" (2020) par exemple. Par ailleurs, la qualité du lien qui se tisse entre le réalisateur et celle dont il dresse le portrait (alors qu'il ne la connaissait pas avant le tournage) fait qu'elle ouvre son coeur, évoquant des thèmes peu traités au cinéma comme l'angoisse face à la retraite alors même qu'elle cumule des ennuis de santé liés au surmenage ou l'impact psychologique consistant à travailler au contact quotidien de la mort (abordé en ce qui concerne les vétérans de guerre mais pas pour les soignants comme s'il s'agissait d'un tabou).
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