Le Roman de Jim
Arnaud et Jean-Marie Larrieu (2024)
Les frères Larrieu surprennent avec ce mélodrame adapté d'un roman de Pierric Bailly, loin de leur registre habituel. Encore que la place centrale des paysages de montagne dans leurs films ne se démente pas, bien que l'histoire se passe dans le Jura (lieu où se passe l'intrigue du roman) et non dans leurs Pyrénées natales. Mais si la gestion de l'espace est leur point fort, ce n'est pas le cas de celle du passage du temps. Les personnages que l'on voit évoluer à l'écran (hormis Jim) ne changent guère alors qu'on est censé les suivre sur 25 voire 30 ans pour Aymeric. Or qu'ils aient 16, 30, 50 ou 60 ans, ils paraissent tous avoir l'âge des acteurs et aucun effort sérieux n'est fait pour les rajeunir ou les vieillir. Cela aplatit bien des enjeux, comme la différence d'âge entre Aymeric qui est censé avoir une vingtaine d'années quand il rencontre Florence qui elle a le double de cet âge, le scénario insistant sur le fait que sa grossesse est tardive. Cela aurait permis de mieux comprendre les dysfonctionnements de ce couple. Autre problème, la direction d'acteurs est des plus erratiques. Le pire, ce sont les prestations de Bertrand BELIN qui est ectoplasmique et de Laetitia DOSCH qui joue les évaporées libertaires alors que son personnage est en réalité machiavélique et réactionnaire. Heureusement, la prestation de Karim LEKLOU, justement récompensée aux César est formidable. Il parvient à créer un personnage émouvant et crédible de loser qui ne trouve pas sa place dans le monde, un personnage sans malice, sans carapace et sans ambition qui se fait exploiter sans réagir par un peu tout le monde (il porte le chapeau d'un cambriolage dans lequel il n'a été qu'un suiveur, il joue le père bouche-trou auprès d'un enfant sur lequel il n'a pas de droits si bien qu'il se fait jeter comme un malpropre une fois que la mère n'a plus besoin de lui etc.) Cette passivité pourrait agacer mais le contexte socio-culturel dans lequel il vit l'explique en partie: c'est un homme englué dans la précarité et qui n'a jamais quitté véritablement la région. Un homme que l'inconnu effraie, dont l'estime de soi est très basse, le sentiment de légitimité très faible et qui préfère se résigner et souffrir en silence plutôt que de se battre. Heureusement que la sincérité de l'amour qu'il a porté à Jim va finir par porter ses fruits et l'amener à une salutaire remise en question, même si une fois de plus, ce n'est pas le fruit de son initiative.
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