Jusqu'à la garde
Xavier Legrand (2017)
Un film qui commence comme Raymond DEPARDON et se termine comme "Shining" (1980). La scène très proche d'un documentaire dans le bureau du juge met en évidence l'incapacité d'un oeil extérieur à discerner la vérité entre deux paroles qui se valent, du moins en apparence. Il y a bien celle des enfants qui pourrait faire pencher la balance mais elle n'est pas prise en compte ce qui s'avère dramatique. Car le film frappe fort lorsqu'il met en scène le jeune Julien, 11 ans, dont les parents en plein divorce se disputent la garde. Julien apparaît comme un enfant terrorisé par son père qui exerce sur lui une intolérable pression pour atteindre la mère (Lea DRUCKER) sur qui il veut conserver son emprise alors même qu'elle cherche à lui échapper. La tension palpable entre les personnages joués par Denis MENOCHET et le jeune Thomas GIORIA nous prend à la gorge, jusqu'à l'asphyxie. Antoine, le personnage joué par Denis MENOCHET plein de rage contenue a droit à une épaisseur qui fait défaut par exemple à l'homme violent de "L'Amour et les forets" (2022). La manière dont son propre père le met à la porte tout comme la grossesse précoce de la grande soeur de Julien suggèrent la reproduction d'un schéma familial toxique sur au moins trois générations. Si par moments, l'enfant blessé ressort en Antoine, être pathétique dans son incapacité à trouver sa place (il passe plus de temps dans sa voiture que dans des maisons ou appartements qui l'excluent) et à nouer des liens (il est surnommé "l'Autre" par ses propres enfants), il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un être profondément destructeur pour ses proches. Maladivement jaloux, possessif, intrusif, incapable d'empathie et d'une violence d'abord rentrée puis incontrôlable lorsqu'elle finit par exploser, le transformant en une bête furieuse. Même si le film comporte quelques longueurs (la scène de l'anniversaire), la fin, particulièrement éprouvante marque les esprits.
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