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Belle de jour

Publié le par Rosalie210

Luis Bunuel (1967)

Belle de jour

Un film déconcertant et plutôt mystérieux sous ses dehors très lisses. Il faut dire que l'essentiel ne s'y montre pas à visage découvert mais sous forme d'indices à déchiffrer ce qui est la logique du rêve. Et il est parfois difficile de démêler dans "Belle de jour" si ce que l'on voit se déroule dans la réalité ou dans un rêve. Ce qui est certain en revanche, c'est que Luis BUNUEL et Jean-Claude CARRIERE qui collaboraient pour la deuxième fois après "Le Journal d'une femme de chambre" (1963) s'attaquent à une bourgeoisie parisienne catholique dont ils révèlent des dessous érotiques décadents et mortifères. L'époque à laquelle a été écrite le livre de Joseph Kessel (les années 20) comme celle du tournage du film (années 60) étaient propices à la dissimulation: la maison de passe se cache derrière une plaque hypocrite nommée "Anaïs-Modes" tenue par une maquerelle distinguée (Genevieve PAGE), les pratiques sulfureuses se regardent par le trou de la serrure, une boîte à musique s'ouvre sur un bruit de moustique mais refuse de montrer son contenu, on se glisse sous une table ou sous un cercueil pour s'adonner à des jeux interdits. On remarquera également que le film esquive la monstration tant du sexe que de la nudité. Même celle de Catherine DENEUVE reste suggérée. Après Jacques DEMY et Roman POLANSKI, Luis BUNUEL est le troisième cinéaste majeur qui a su employer l'actrice de façon remarquable. Avant François TRUFFAUT dans "La Sirène du Mississipi" (1969), il en a fait une silhouette hitchcockienne se dérobant constamment au voyeurisme du spectateur, une "page blanche à noircir de rêves", mise en scène dans toutes sortes de situations scabreuses, dégradantes, humiliantes, transgressives sans que pour autant son image "blanche comme neige" n'en soit altérée. C'est d'ailleurs de ce décalage que naît une partie du trouble suscité par ce film encore aujourd'hui. Car le film a deux facettes tout comme celles qui gouvernent les représentations de la féminité depuis la dichotomie biblique Vierge Marie/Marie-Madeleine. D'une part il laisse l'inconscient des personnages s'exprimer (celui de Séverine mais celui également de son entourage), de l'autre, il tend un miroir au spectateur.

Présentation:

En regardant pour la première fois "Belle de jour" de Luis Bunuel sur MyCanal en hommage à "Mme Anaïs" alias Geneviève Page, j'ai repensé à la chanson de Maxence écrite et composée par Jacques Demy et Michel Legrand pour "Les Demoiselles de Rochefort" sorti la même année. Une chanson consacrée à la dualité des représentations du féminin qui a donné à Catherine Deneuve ses meilleurs rôles:

"Elle a cette beauté des filles romantiques

Et d'un Botticelli le regard innocent

Son profil est celui de ces vierges mythiques

Qui hantent les musées et les adolescents

Sa démarche ressemble aux souvenirs d'enfant

Qui trottent dans ma tête et dansent en rêvant

Sur son front, ses cheveux sont de l'or en bataille

Que le vent de la mer et le soleil chamaillent (...)

Est-elle pécheresse ou bien fille de roi?

(Variante)

Est-elle puritaine ou bien fille de joie?"

Avec le duo Bunuel/Carrière, elle est les deux à la manière d'une figure hitchcockienne insaisissable, quelque part entre "Vertigo" pour le dédoublement et "Psychose" pour les fantasmes inavoués/inavouables que l'on épie par le trou de la serrure. Mais la pulsion scopique du spectateur en sera pour ses frais, rien ne sera montré, tout sera à déchiffrer puisque la frontière entre rêve et réalité s'y efface, laissant une large place à l'imaginaire autant qu'à la satire corrosive des moeurs bourgeoises.

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