Les Misérables
Tom Shankland (2018)
Arte propose depuis quelques semaines l'adaptation du roman de Victor Hugo "Les Misérables" par la BBC en 2018 sous la forme d'une mini-série de 8 épisodes d'environ 45 minutes. Encore une adaptation pense-t-on mais sans être révolutionnaire, celle-ci comporte quelques atouts dans sa manche:
- Il s'agit d'un retour certes classique mais puriste au roman de Victor Hugo selon la volonté du scénariste, Andrew DAVIES, spécialiste des adaptations littéraires. Exit donc la comédie musicale qui avait rendu le sens de cette oeuvre opaque. Même si la mini-série comporte quelques raccourcis maladroits (par exemple l'évolution de la relation entre Fantine et Valjean n'apparaît pas très naturelle), les personnages sont plus développés que d'ordinaire ce qui permet de mieux les cerner. Leur destin tragique apparaît lié à l'enfermement dans un comportement déconnecté du réel. Par exemple la naïveté de Fantine qui semble ne rien comprendre au fonctionnement de la société, l'aveuglement idéologique de M. Gillenormand qui le tue à petit feu en le coupant de son petit-fils ou la quête obsessionnelle de Javert qui finit par être le seul à continuer à traquer Valjean tandis que le reste de la police est passé à autre chose en même temps que le changement d'époque. Même Jean Valjean qui apparaît comme particulièrement tourmenté ne semble jamais s'être complètement échappé du bagne de Toulon et Cosette doit lutter pour ne pas se faire enfermer elle aussi. Par ailleurs les trajectoires de déchéance comme de rédemption sont développées et poussées à l'extrême. La série s'ouvre sur Thénardier à Waterloo avant que son espace ne cesse de se rétrécir jusqu'au trou à rats. Plus rare, la série suit la Thénardier jusqu'au bout de sa chute tandis que l'épisode souvent passé à la trappe de la liaison de Fantine avec Tholomyès met bien en valeur son décalage par rapport au reste du groupe, homme bourgeois comme femmes ouvrières, tous parfaitement conscients du jeu qu'ils sont en train de jouer. De plus, cette idylle, idéalisée par Fantine rend encore plus cruelle la descente aux enfers qui l'attend.
- Autre qualité de la mini-série, celle d'avoir subtilement modernisé le roman. La guerre des classes dont "Les Misérables" se fait l'écho fait penser aux affrontements d'aujourd'hui entre manifestants et forces de l'ordre. La relation entre Tholomyès et Fantine rappelle un peu "Anora" (2024). Enfin, sans le souligner excessivement, la mini-série donne à voir une société multi-ethnique à l'anglo-saxonne. Javert et Thénardier sont interprétés par des acteurs ayant des origines africaines et indo-pakistanaise (David OYELOWO et Adeel AKHTAR) et les enfants Thénardier sont par conséquent tous trois métis, me rappelant le roman de Elisabeth George, "Anatomie d'un crime" sur le déterminisme social au travers du portrait d'une fratrie londonienne métissée qui ne trouve pas sa place dans la société. Comme dans d'autres adaptations, Cosette joue un rôle beaucoup plus actif que dans le roman, reflet du statut infériorisé des femmes de cette époque.
- Pour finir, l'interprétation est de qualité. On soulignera notamment la performance de Dominic WEST qui est très convaincant dans le rôle de Jean Valjean, Lily COLLINS véritable petit oiseau tombé du nid dans le rôle de Fantine ou Olivia COLMAN, odieuse à souhait dans le rôle de la mère Thénardier. En prime, Derek JACOBI joue le rôle de Monseigneur Myriel.
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