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L'Armée du crime

Publié le par Rosalie210

Robert Guédiguian (2009)

L'Armée du crime

40 ans après "L'Armee des ombres" (1969), le chef d'oeuvre de Jean-Pierre MELVILLE sortait "L'Armee du crime" (2009), éclairant un autre visage de la Résistance, beaucoup plus méconnu. Celui des immigrés communistes et souvent juifs qui se battirent pour les idéaux de la République que Vichy, régime xénophobe et antisémite avait renié, s'alliant aux nazis pour traquer le "judéo-bolchévisme". Cette haine fut cristallisée par l'Affiche rouge, document de propagande de février 1944 présentant le groupe Manouchian qui venait d'être arrêté, expéditivement jugé et exécuté comme un ramassis de terroristes. Soit 22 hommes et 1 femme appartenant aux FTP-MOI (francs tireurs et partisans de la main-d'oeuvre immigrée en région parisienne) dont seulement une dizaine apparaît sur l'affiche. S'ils ne furent pas oubliés, c'est notamment grâce au poème de Louis Aragon, "Strophes pour se souvenir" publié en 1955 mis en musique par Leo FERRE et rebaptisé "L'affiche rouge" en 1961. C'est à ce même groupe que Robert GUEDIGUIAN a voulu rendre hommage, leur combat résonnant avec le sien. Comme il est impossible de se focaliser sur 23 parcours, il choisit les figures les plus charismatiques: Missak Manouchian (Simon ABKARIAN que j'ai découvert dans ce film et qui est d'une justesse remarquable), poète arménien qui a formé le groupe et en a pris la tête, Thomas Elek (Gregoire LEPRINCE-RINGUET) un brillant lycéen juif et communiste révolté et Marcel Rayman (Robinson STEVENIN), un jeune ouvrier lui aussi juif et communiste du genre tête brûlée par ailleurs champion de natation. Le film met en valeur leurs doutes et leurs contradictions: en prenant les armes, même pour une juste cause, ils s'engagent dans une spirale de violence dont ils sentent qu'ils ne sortiront pas. Néanmoins Robert GUEDIGUIAN nuance leurs portraits. Elek et Rayman n'ont aucun scrupule à tuer des soldats allemands mais reculent face aux civils alors que Manouchian répugne longtemps à tuer qui que ce soit. Face à eux, des fonctionnaires zélés dont le réalisateur montre les motivations idéologiques ou opportunistes et les agissements sordides et crapuleux (mention spéciale à Jean-Pierre DARROUSSIN dans le rôle d'un parfait salaud). La mise en scène est très sage, l'arrière-plan schématique et on peut trouver le propos très manichéen, surtout quand on le compare à celui de Jean-Pierre MELVILLE qui montrait de nombreuses ambiguïtés chez des Résistants aux mains beaucoup plus sales que celles des héros du film de Robert GUEDIGUIAN qui semblent longtemps être un club de jeunes idéalistes exaltés n'ayant aucun problème à gérer de front leur engagement et leur vie familiale et sociale. Il n'en reste pas moins que l'éclairage que porte sur eux Robert GUEDIGUIAN est digne et nécessaire: Missak et sa femme Mélinée Manouchian (jouée par Virginie LEDOYEN dans le film) ont fini par entrer au Panthéon en 2024, leurs camarades ayant droit à une plaque commémorative à l'entrée du caveau.

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