Chroniques de Téhéran (Ayeh haye zamini)
Ali Asgari, Alireza Khatami (2023)
Neuf courts-métrages réunis en un seul film dénoncent le totalitarisme du régime iranien dans les aspects les plus anodins de la vie quotidienne des citoyens. La forme même du long-métrage épouse les contraintes d'un tournage clandestin où comme chez Jafar PANAHI, il a fallu ruser avec le pouvoir. Il était plus facile d'éclater le projet d'ensemble en petits fragments indépendants avant de réunir les pièces du puzzle au montage. D'ailleurs, comme dans toutes les formes de résistance à l'oppression, ceux qui tournaient dans un segment ignoraient tout des autres et du projet final. Le résultat est édifiant. Suivant un dispositif toujours identique propre aux scènes d'interrogatoires, on voit se succéder des plans-séquence où la caméra fixe est placée du point de vue de l'autorité, la dérobant à notre regard au profit de la personne interrogée. Ce qui au départ relève d'un entretien d'embauche, d'un achat de vêtements ou d'une déclaration d'état civil se transforme en inquisition, la personne investie d'une autorité en abusant de façon systématique et remettant en cause les libertés les plus élémentaires de chaque individu comme celles touchant à l'apparence, à la tenue vestimentaire, aux fréquentations, au prénom ou à la possession d'un animal. Si le dispositif peut paraître répétitif, la tension qui résulte de ce qui s'apparente à une volonté d'emprise et d'humiliation sur autrui ne se dénoue pas toujours de la même manière. Les usagers pris au piège en sortent parfois résignés. Parfois ils mentent, fuient, résistent passivement (la fillette qui répète sa chorégraphie se laisser voiler pour un essayage puis enlève tout et continue comme si rien ne s'était passé) voire retournent les armes de leurs bourreaux contre eux. Ainsi cette élève qui tient sa directrice par la barbichette en ayant en sa possession un document compromettant permettant de la réduire au silence. Parfois aussi l'interrogatoire tourne à la farce comme ces flics qui essayent de refourguer un chien qui leur cassent les pieds à une dame à qui d'autres flics ont pris le sien. Un panorama varié d'un monde arbitraire où ne règnent que les rapports de force.
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