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The Substance

Publié le par Rosalie210

Coralie Fargeat (2024)

The Substance

A l'image de son affiche, "The Substance" joue à fond des contrastes tels que le clinique et l'organique. Mais aussi le propre et le sale, le noir et le blanc, le vieux et le jeune, la laideur et la beauté ou bien les trois couleurs primaires: jaune de l'oeuf (sur lequel est expérimenté la substance), de l'activator du dédoublement et du manteau d'Elisabeth ("la matrice" de son double jeune), rouge du sang et des organes et le "rêve bleu" des chimères, la robe de princesse des contes et du sommet des dieux hollywoodiens. Tous ces pôles de contrastes sont reliés entre eux par un cordon ombilical serpentin (repris sur le motif du peignoir d'Elisabeth) ou par de longs corridors qui ont un caractère de révélateur de la vraie nature de ce qui est relié, comme les deux facettes d'une même pièce. Pour ne donner qu'un exemple, le click and collect dans lequel Elisabeth vient récupérer son kit et ses recharges est, à l'image de sa salle de bain, d'une blancheur éblouissante alors que cette dernière dissimule un cadavre dans le placard et que pour accéder aux casiers il faut traverser un garage désaffecté et jonché de détritus. Cette esthétique de l'agencement des contraires par le montage, Coralie FARGEAT l'a puisé dans le cinéma de David LYNCH et Stanley KUBRICK dont elle se réapproprie les labyrinthes mentaux de "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) et de "Shining" (1980). Mais, et c'est ce qui rend son film jouissif, elle se les réapproprie avec beaucoup d'ironie. Dans cette réinvention féministe de "Le Portrait de Dorian Gray" (1944) croisée avec le syndrome de Frankenstein, "Ainsi parlait Zarathoustra" n'annonce pas la venue d'un être supérieur mais accouche au contraire d'un monstre qui n'est pas sans rappeler "Elephant Man" (1980). Le personnage d'Elisabeth est une coquille vide qui ne vit que de des souvenirs de son ancienne gloire (comme dans "Boulevard du crepuscule") (1950) et d'images, celles que lui renvoie le monde patriarcal dans lequel elle vit, obsédé par le jeunisme et le corps parfait. Lorsque son âge la prive de la dernière émission qu'elle présentait (un show matinal d'aérobic à la Jane FONDA) par la décision d'un producteur masculiniste grotesque (Dennis QUAID) ayant décrété que 50 ans était une date de péremption, elle a l'impression de ne plus exister car elle n'a plus rien à quoi se raccrocher. La scène où elle tente sans succès de sortir de son isolement en se heurtant sans cesse à un miroir lui renvoyant un reflet haï souligne cet enfermement mortifère dans l'apparence. L'expérience de dissociation à laquelle elle se livre entre un moi jeune (idéalisé*) et un moi vieux (haï) tourne donc à l'autodestruction et non à la collaboration comme le présuppose un protocole médical qui semble avoir été produit par une IA plutôt que par un humain. Mais elle en fait également profiter la société du spectacle dont elle est le produit ce qui nous gratifie de quelques séquences hautement jubilatoires digne de la fin de "Carrie au bal du diable" (1976) croisé avec la mutation de "Akira" (1988) et de "La Mouche" (1986). Demi MOORE est exceptionnelle, n'ayant peur de rien et surtout pas des transformations physiques les plus audacieuses ce qui donne lieu, là encore à des séquences désopilantes faisant penser à la vieille sorcière de Blanche-Neige.

* Les séquences avec Margaret QUALLEY filmées avec un male gaze appuyé sont là encore un summum d'ironie, montrant que Elisabeth n'a généré qu'une version ancienne d'elle-même, poupée gonflable objet des fantasmes masculins n'ayant aucune existence propre. Elisabeth s'avère incapable de la moindre forme de détachement de cette aliénation au regard masculin concupiscent, lequel est tourné en ridicule de façon jouissive.

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