Une aussi longue absence
Henri Colpi (1960)
Comment expliquer que "Une aussi longue absence" qui a reçu la Palme d'or et le prix Louis Delluc en 1961 soit tombé dans l'oubli? Il a été sans doute "ringardisé" par l'irruption de la nouvelle vague dont les films sont passés à la postérité. Aujourd'hui, il mérite d'être redécouvert et réévalué à la hauteur des prix obtenus à l'époque.
"Une aussi longue absence" possède un titre qui n'est pas sans évoquer "Un long dimanche de fiançailles" (2004). Si les deux films n'ont sur la forme rien en commun, il n'en va pas de même du fond puisque dans les deux cas, les séquelles de la guerre sont mises en lumière à travers la séparation d'un couple dont l'époux ou le fiancé est porté disparu. Mais alors que l'héroïne du film de Jean-Pierre JEUNET mue par son intuition part activement à sa recherche, Thérèse Langlois (Alida VALLI) se résigne sans pour autant véritablement le remplacer. Jusqu'au jour où une quinzaine d'années après la fin de la guerre, elle croit reconnaître son mari en la personne d'un clochard amnésique qui passe régulièrement devant son café en chantant des airs d'opéra. Pas à pas, elle tente d'apprivoiser cet homme taiseux, solitaire et privé de mémoire dans l'espoir de finir par susciter chez lui des réminiscences de son passé.
Ce qui frappe l'esprit dans ce film, c'est d'abord le paysage dans lequel s'inscrivent les personnages. Celui de Puteaux, ville de la banlieue parisienne ayant encore des airs de village en 1960 et des bords de Seine avec en arrière-plan, l'île Seguin et les usines Renault. Un paysage qui reflète l'état d'esprit des personnages avec l'église délabrée proche du café de Thérèse et les bateaux qui ne cessent de passer sur le fleuve, lieu d'élection du clochard sans racines. Toute la mise en scène repose sur le passage progressif de cet homme d'une vague silhouette informe en arrière-plan à un visage (celui de Georges WILSON) vu en gros plan au fur et à mesure que Thérèse parvient à se rapprocher de lui. Hélas, c'est pour découvrir qu'il porte une blessure ayant fait des dégâts sans doute irréversibles dans son cerveau. Seuls les sens semblent encore faire réagir cet homme: un goût, la musique, la danse. Mais sans pouvoir les relier au moindre souvenir. La fin néanmoins laisse entrevoir qu'il lui reste peut-être quelque chose: un immense traumatisme. Beau et triste comme les trois petites notes de musique que l'on entend au générique et à la fin, chanson écrite par le réalisateur Henri COLPI (qui fut le monteur de Alain RESNAIS ce qui explique sans doute que Marguerite DURAS ait écrit le scénario) et composée par Georges DELERUE.
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