La petite prairie aux bouleaux
Marceline Loridan-Ivens (2002)
"La petite prairie aux bouleaux" est la traduction française du mot allemand Birkenau lui-même dérivé du polonais Brzezinka. La petite ville polonaise qui se trouvait là a été rasée par les allemands en 1941 pour laisser la place à un camp de concentration situé à 3 km du premier camp construits par eux dès l'invasion de la Pologne, celui d'Auschwitz. A partir de 1942, c'est dans l'enceinte de ce camp que des fermes sont reconverties en chambres à gaz avant la construction de cinq grands crématoires "intégrés" qui à leur apogée durant l'été 1944 et l'extermination des juifs hongrois pouvaient tuer 12 mille personnes par jour. Néanmoins, les cadences et les quantités de tueries étaient telles qu'ils ne pouvaient plus les absorber et une partie des corps ont dû être brûlés en plein air. C'est de cet épisode que proviennent les quatre seules photos qui témoignent visuellement du génocide. C'est également lui qui est au coeur du premier film de Marceline LORIDAN-IVENS. Elle-même rescapée de Birkenau où elle fut internée pendant deux ans alors qu'elle avait une quinzaine d'années, elle travailla longtemps dans l'ombre de son compagnon, le documentariste Joris IVENS. Mais ce qu'elle documente dans "La petite prairie aux bouleaux", c'est l'impossibilité de combler le fossé entre histoire et mémoire, surtout lorsque celle-ci est de nature traumatique. Son double à l'écran, interprété par Anouk AIMEE revient à Paris où elle fut arrêtée une soixantaine d'années plus tôt pour une cérémonie de commémoration de la libération des camps d'extermination. Elle y retrouve d'anciennes camarades de déportation mais découvre que ses souvenirs ne coïncident pas avec les leurs. Troublée, elle décide de retourner sur les lieux de sa captivité et de tenter de retrouver les traces oubliées de ce passé. Sur son chemin, elle croise d'autres témoins. D'abord un juif polonais qui tente de faire revivre la mémoire du quartier juif de Cracovie, celui-ci ayant été englouti avec la Shoah avant que Steven SPIELBERG ne l'exhume en venant y tourner "La Liste de Schindler" (1993). Et un jeune photographe allemand, petit-fils de SS (August DIEHL) qui traque également l'invisible à l'aide notamment de relevés cartographiques. L'entreprise est d'autant plus forte que c'est la première fois qu'un film a reçu l'autorisation de tourner à l'intérieur du camp. Peu à peu, on découvre qu'Oskar et Myriam sont les deux facettes de la même pièce. Lui a hérité du fardeau de culpabilité de son grand-père puisque son père n'a pas pu le supporter et en est mort et elle éprouve la culpabilité du survivant, le voile d'oubli jeté sur les souvenirs les plus éprouvants où elle a dû servir les bourreaux dans leur entreprise d'extermination en creusant les fosses où ont été brûlés les corps près des crématoires. Ce témoignage brut, parfois maladroit aussi dérange, bouleverse, questionne et reste longtemps en mémoire.
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