Gloria Mundi
Robert Guédiguian (2019)
Robert GUEDIGUIAN m'a toujours fait penser à Ken LOACH mais c'est particulièrement vrai dans cet opus très sombre. Alors certes, le film s'ouvre sur une naissance et il y a comme dans "A la vie, a la mort" (1995) un personnage prêt à se sacrifier pour que le bout de chou puisse grandir dans un vrai foyer. Mais et c'est significatif, ce n'est plus le père, mais le grand-père qui l'accomplit. Le film est en effet bâti sur un contraste générationnel. D'un côté les anciens, joués par la fidèle troupe du réalisateur: Ariane ASCARIDE, Jean-Pierre DARROUSSIN, Gerard MEYLAN. Ils représentent ce qu'il reste d'humanisme dans un monde en train de basculer dans un individualisme sans foi ni loi mais ils ont abandonné la lutte et semblent usés, fatigués. De l'autre, les enfants, joués également par des acteurs déjà vus chez le réalisateur, notamment dans "Les Neiges du Kilimandjaro" (2010) et "L'Armee du crime" (2009). Ceux-ci incarnent les "winners" et les "losers" de l'ultralibéralisme qui se lit jusque dans le paysage urbain en mutation. L'Estaque n'est plus qu'un nom affiché sur la devanture d'un bus alors que le film se déroule en majorité dans un quartier où poussent les gratte-ciels. D'un côté, le couple formé par Mathilda et Nicolas (Anais DEMOUSTIER et Robinson STEVENIN), les parents de Gloria va de galère en galère, entre contrats précaires et auto-entreprenariat hasardeux. De l'autre celui formé par la demi-soeur de Matilda, Aurore (Lola NAYMARK) et son compagnon Bruno (Gregoire LEPRINCE-RINGUET) incarne un cynisme qui fait froid dans le dos avec leur business florissant fondé sur l'exploitation des plus pauvres à la manière de "It's a Free World" ! (2007). Ces quatre-là qui s'enfoncent dans une spirale infernale à la façon de "Les Damnes" (1969) à force de courir après la réussite en arrivent à s'entretuer, au figuré comme au propre. L'usage de stupéfiants chez les uns (parmi lesquels le pouvoir et l'argent) et un sort qui semble s'acharner chez les autres s'avère dévastateur au point de finir par rejaillir sur Gloria à qui sa mère regrette d'avoir donné naissance. Si l'on se fie à ce baromètre, l'avenir qui nous est promis est tout sauf désirable.
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