Amal, un esprit libre (Amal)
Jawad Rhalib (2024)
"Amal, un esprit libre" est enfin un film scolaire à la hauteur des enjeux, un film engagé et courageux qui ne prend pas de gants et va jusqu'au bout de la logique délétère de la radicalisation islamiste, à la manière d'un Yves BOISSET (fin comprise). Un sujet inflammable instrumentalisé par les logiques partisanes auquel n'échappe pas le film, pris dans des polémiques qui obscurcissent son propos alors qu'il est relativement peu distribué en France. Cette frilosité s'apparente au "pas de vagues" qui a longtemps sévi à l'éducation nationale avant que les assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard ne révèlent une réalité dépassant la fiction.
"Amal, un esprit libre" qui comme les autres films récents sur le sujet repose sur une spirale de violence sous les regards apeurés de la communauté éducative (trop simplifiée, une fois de plus) m'a fait quelque peu penser à "Vol au-dessus d'un nid de coucou" (1975). Il dépeint en effet une lutte d'influence entre l'obscurantisme et les lumières au sein d'une micro-société, métaphore de la société dans son ensemble. La micro-société dépeinte n'est pas seulement la salle de classe ni même seulement l'école, c'est un quartier de Bruxelles à forte composante musulmane. Le prof de religion (matière obligatoire en Belgique qui ne le sera plus à la rentrée 2024), converti de fraîche date au salafisme est un as de la tartufferie, un véritable Janus qui présente bien pour mieux assoir son pouvoir dans l'ombre. Face à lui, une passionaria de la défense des libertés, Amal, musulmane mais laïque. Pour défendre une élève harcelée par ses camarades pour son apparence puis son orientation sexuelle, elle se lance dans une contre-offensive maladroite en leur faisant lire les poèmes d'un écrivain musulman bisexuel. L'enfer est pavé de bonnes intentions et elle met ainsi le doigt dans un engrenage infernal. Même si on peut juger que le propos manque de nuances, on ne peut qu'être touché par le feu intérieur qui consume Amal, interprété avec fougue par Lubna AZABAL. Porte-parole du réalisateur, lui-même belgo-marocain, elle fait ressentir ce qu'a d'insupportable la pression islamiste exercée sur les musulmans modérés ou laïcs ainsi que le fait d'être amalgamé à eux, le reste de la société préférant détourner les yeux et les abandonner à leur sort. "Amal, un esprit libre" est le cri d'un homme en colère et cette sincérité fait du bien.
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