Gertrud
Carl Theodor Dreyer (1964)
Je m'étais dit qu'un jour je me plongerais dans la filmographie de Carl Theodor DREYER dont je ne connais que "Jour de colere" (1943) et encore, vu il y a très très longtemps. Mais je n'aurais peut-être pas dû commencer par "Gertrud", son dernier film. Certes, il est extrêmement bien réalisé. Comme tous les grands cinéastes issus du muet, la maîtrise de la mise en scène faites de plans-séquence millimétrés, de la composition de l'image et de la lumière est impressionnante. Mais le film est aussi un exercice de contention assez pénible où les personnages ont des postures si hiératiques, un débit si lent, un ton si monocorde qu'on finit par se demander si les statues et les tableaux ne sont pas plus vivants qu'eux. Alors bien sûr, la forme s'accorde au fond. Le film oppose une femme éprise d'un idéal amoureux à trois hommes qui n'ont pas su l'aimer. L'un parce qu'il a privilégié son oeuvre, l'autre sa carrière et le troisième enchaîne les aventures sans les prendre au sérieux. La mise en scène les juxtapose dans le même plan mais fait en sorte qu'ils ne se rencontrent pas. Gertrud semble ainsi enchaîner les monologues sans se connecter à son partenaire. Cela aboutit à un étrange décalage où elle proclame son amour à un amant au visage indifférent ou à l'inverse elle repousse un ancien amour pourtant plein de regrets sur la foi d'un faux pas commis par celui-ci dans le passé. C'est comme si Gertrud ne vivait pas dans le même espace-temps que les hommes à qui elle s'adresse et comme si ses sentiments pour eux étaient figés dans le marbre. C'est d'une certaine façon vrai puisqu'elle veut que l'on grave sur sa tombe "amor omnia" (l'amour est tout) après avoir choisi de rester seule. Mais cette conception mortifère, intellectuelle et inhumaine de l'amour assez proche du sacerdoce a très mal vieilli, porté par le jeu atone des acteurs qui récitent leur texte sans l'incarner. A côté de ce film, ceux de Ingmar BERGMAN et même ceux de Robert BRESSON sont revigorants, c'est dire!
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