Birth
Jonathan Glazer (2004)
Je comprends pourquoi à sa sortie "Birth" a été rejeté. Il n'est pas aimable et visiblement, Jonathan GLAZER dont c'était le deuxième film aime créer des situations particulièrement inconfortables voire dérangeantes. Depuis, "Birth" a été réhabilité et le sera encore sans doute davantage à l'avenir, maintenant que son réalisateur est mieux compris. Je n'ai pas été vraiment convaincue par le contenu de l'histoire que j'ai trouvé assez artificiel, j'y reviendrai, mais les qualités de mise en scène sont déjà bien là ainsi qu'une prédisposition à proposer des films en forme d'énigmes laissant au spectateur une large place pour se les approprier. Dans "Birth" il y a un travail assez remarquable déjà à cette époque sur la sensorialité, les couleurs et la bande-son qui éclate dès la scène d'introduction noire et blanche, cotonneuse et rythmée par la musique envoûtante de Alexandre DESPLAT (une scène si belle que je me la suis repassée immédiatement et l'émission Blow Up d'Arte la cite en intégralité dans son numéro consacré au film daté de 2014). Il y a ensuite la rencontre entre deux personnes pas très équilibrées. Anna (Nicole KIDMAN alors au summum de sa carrière) qui est sur le point de se remarier sans avoir fait le deuil de époux disparu dix ans plus tôt et Sean (Cameron BRIGHT), un garçon de 10 ans fantomatique qui prétend être la réincarnation de son mari et est obsédé par elle. Cela aurait dû la faire flipper mais au contraire, cela l'entraîne au bord de la folie. Un basculement illustré par une autre scène majeure du film, deux minutes de gros plan sur le visage de Nicole KIDMAN en train de se décomposer lors d'une scène de concert. Le scénario de cette histoire d'amour improbable et sulfureuse, signé de Jean-Claude CARRIERE renvoie aussi bien à celui qu'il a écrit pour Nagisa OSHIMA, "Max mon amour" (1985) qu'aux films de Luis BUNUEL pour lesquels il a travaillé et où tous deux jouent à mettre sans dessus dessous les conventions bourgeoises, milieu symbolisé par le grand appartement où vit Anna, son fiancé Joseph (Danny HUSTON) et sa mère (jouée par Lauren BACALL). Mais je trouve que ce scénario part dans une direction qui ne correspond pas avec celle de la mise en scène. Cette dernière suggère en effet une trame fantastique alors qu'à la fin tout s'explique rationnellement. Ce qui pose un problème étant donné que le comportement de Sean ne peut pas être celui d'un enfant de 10 ans mais correspond à une projection d'adulte dans un corps d'enfant. D'où le caractère dérangeant du film (comme dans "Le Tambour" (1979) en moins provocant cependant). On peut donc voir dans le Sean enfant la vision que se fait Anna de l'amour qu'elle croit avoir perdu et qui ne s'avère être qu'une illusion.
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