Past lives - nos vies d'avant (Past lives)
Celine Song (2023)
Beau film méditatif au croisement des cultures américaine et coréenne qui porte un regard doux-amer sur le déracinement et l'identité plurielle. La première scène a une valeur programmatique puisque l'héroïne, Nora est assise entre deux hommes dont on découvre par la suite qu'il s'agit de son ami d'enfance coréen et de son mari américain. Tiraillée entre ces deux pôles, elle ne peut pleinement en satisfaire aucun. Son mari Arthur lui avoue qu'il souffre qu'une partie d'elle, celle des racines, lui soit inaccessible. Mais son ami d'enfance Hae Sung est nostalgique d'une petite fille coréenne nommée Na Young qui n'existe plus mais dont il ne parvient pas à faire le deuil. La réalisatrice, Celine SONG dont c'est le premier film que l'on devine largement autobiographique montre avec sensibilité comment l'espace et le temps créent un fossé impossible à combler avec son pays d'origine et en même temps comment celui-ci reste une partie fondamentale de soi. Une scène l'illustre parfaitement lorsque Hae Sung et Na Young se séparent enfants et prennent des chemins divergents. Il ne pourront jamais plus se rejoindre et en même temps resteront liés à jamais par leur passé commun. La notion d'Inyeon qui est au coeur du film montre que chaque personne est la somme de ses rencontres, passées et futures. Une notion à mettre en relation avec les croyances bouddhistes autour de l'idée de réincarnation et de destin: les rencontres sont perçues comme des reconnaissances et donc si dans cette vie-ci, le lien ne peut s'épanouir, il a pu en être autrement dans une autre vie, passée ou future, comme la roue du temps qui s'oppose à la vision linéaire des occidentaux. Ainsi le manège qui tourne à l'arrière-plan des retrouvailles entre Nora et Hae Sung est-il bien autre chose qu'un simple décor, un éventail de possibles non seulement à explorer mais qui l'ont sans doute déjà été. Vu ainsi, le choix de Nora d'élargir son horizon prend un tout autre sens.
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