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Le Comte de Monte-Cristo

Publié le par Rosalie210

Denys de la Patellière (1979)

Le Comte de Monte-Cristo

"Le Comte de Monte-Cristo" a été très souvent adapté depuis les origines du cinéma. Hélas, peu de ces adaptations sont des réussites. Même si je trouve la version muette de Henri FESCOURT satisfaisante, elle n'échappe pas au défaut récurrent des adaptations du roman de Alexandre Dumas: celui des coupes sombres dans l'intrigue. De ce point de vue, la mini-série de Denys de LA PATELLIERE réalisée à la fin des années 70 s'avère être le format idéal. L'ampleur de l'oeuvre d'origine se prête beaucoup mieux à six épisodes de 1h (remontés par la suite en 4 épisodes de 1h30) qu'en deux parties de 2h. On appelait encore ce type d'oeuvre audiovisuelle "feuilleton" en référence à la publication des romans du XIX° siècle en épisodes dans les journaux, ce qui avait été le cas de "Le Comte de Monte-Cristo". Elle restitue donc le roman dans sa quasi-intégralité et avec beaucoup de fidélité, même si de nombreux dialogues sont écourtés et que quelques personnages sont expédiés trop rapidement comme la très androgyne Eugénie Danglars et sa relation avec Louise d'Armilly. Mais développer ces questions était sans doute prématuré en 1979 sur une chaîne de télévision à une heure de grande écoute. Ceci étant, je fais la fine bouche étant donné que dans la plupart des adaptations françaises du roman, les Danglars n'existent pas du tout.

L'autre aspect qui fait de cette adaptation un incontournable pour les fans du roman de Dumas, c'est son aspect sépulcral. Plusieurs adaptations traitent le roman de Dumas avec légèreté sous prétexte qu'il s'agit d'une oeuvre populaire, certaines le tirant même vers le film de cape et d'épée ce qui est un contresens. La version de Denys de LA PATELLIERE est au contraire très sombre. Jacques WEBER prend son personnage au sérieux et réussit une composition très proche de celle qu'avait imaginé Alexandre Dumas. Son personnage est au sens propre un revenant qui semble avoir laissé à jamais une partie de lui-même au château d'If. Son visage émacié à la pâleur spectrale annonce la mort partout où il passe. Et ce même s'il parvient à la perfection à se mouler dans le jeu social de la restauration monarchique, empruntant diverses identités (que cette version restitue toutes: le Comte de Monte-Cristo, l'abbé Busoni, Lord Wilmore et Sinbad le marin, chacun d'eux parodiant les statuts sociaux que ses bourreaux parvenus se sont attribués). Comme tous les grands traumatisés, son Edmond Dantès dissimule sous l'impassibilité totale de son personnage de vengeur impitoyable une souffrance déchirante. Si comme dans les autres versions, on assiste à la déchéance de ses bourreaux qui se sont élevés au mieux malhonnêtement, au pire criminellement, l'ampleur de l'adaptation montre également les rouages de l'oppression sociale au sein de la famille bourgeoise, comparée à une prison ou un tombeau, notamment pour les filles réduites au rôle de marchandises vendues au plus offrant par le patriarcat tout-puissant quand elles ne sont pas éliminées pour de sordides questions d'héritage. C'est aussi cet ordre des choses que le Comte de Monte-Cristo remet en cause. Enfin cette vision sombre se maintient jusqu'au bout. Les actes du Comte, inspirés par une vision manichéenne du monde finissent par se retourner contre lui, menaçant d'engloutir le peu d'humanité qui lui reste.

En dépit de son âge et de défauts propres aux réalisations pour la télévision (une photographie pauvre et qui a mal vieilli) ainsi que quelques interprétations insignifiantes, cette version, illuminée par la musique de Nino Rota reste l'une des meilleures et ce n'est pas un hasard si le fils de Denys de LA PATELLIERE, Alexandre de la PATELLIERE prépare à son tour une nouvelle version du roman avec Pierre NINEY dans le rôle principal.

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