Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Miracle en Alabama (The Miracle Worker)

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1962)

Miracle en Alabama (The Miracle Worker)

Amateurs d'histoires larmoyantes ou édifiantes, passez votre chemin. "Miracle en Alabama" est un film dur, âpre, éprouvant et qui dépasse de très loin son sujet initial. On sent que Arthur PENN a envie de renverser la table alors même que le Nouvel Hollywood dont il sera l'un des précurseurs reste à inventer: "Les gens qui m’intéressent sont ceux qui vivent en marge de la société, au-delà des lignes toutes tracées. Je fais en sorte que mes personnages soient vrais, c’est-à-dire souvent solitaires, rejetés, souffrants. C’est aussi de ma part une réaction contre les critères hollywoodiens selon lesquels tout le monde est beau, parfait, éclatant de santé." (Arthur PENN, 1983). "Miracle en Alabama" correspond trait pour trait à cette Amérique de l'autre côté du miroir que dépeint Arthur PENN dans ses films. Il s'agit de l'adaptation cinématographique de la pièce de théâtre éponyme de William Gibson dont Arthur PENN avait assuré la mise en scène sur les planches de Broadway avec déjà le duo Anne BANCROFT-Patty DUKE. Arthur PENN avait également réalisé un téléfilm en 1957, deux ans avant la création de la pièce de théâtre. C'est dire s'il connaissait son sujet, tiré de l'autobiographie de Helen Keller qui suite à une maladie infantile fut privée de la vue et de l'ouïe et rendue quasi muette.

Il y a deux oeuvres qui me sont immédiatement venues à l'esprit en regardant "Miracle en Alabama": "L'Enfant sauvage" (1969) de Francois TRUFFAUT et "Le Cri" de Edouard Munch (l'affiche, le générique de début, muet, dépouillé, bouleversant qui montre cette petite fille avancer les bras tendus dans le vide, tomber, se cogner, se relever, crier sans sortir de son). Tout au long du film, Arthur PENN joue sur deux tableaux. D'une part le corps à corps rugueux pour ne pas dire violent entre Helen et son éducatrice, Anne Sullivan, elle-même mal-voyante pour parvenir à sortir Helen des ténèbres et du silence qui l'isolent du monde. Et en même temps la transgression des normes et des valeurs de l'Amérique puritaine qui n'ont aucune prise sur le petit animal sauvage qu'est Helen sans parler de la nécessité de briser ces normes pour espérer la relier au monde qu'incarne Anne Sullivan. Celle-ci doit en effet se battre, au propre et au figuré pour se faire accepter et respecter par Helen mais aussi par sa famille qui la traite moins en éducatrice ou aidante proche qu'en domestique que le moindre faux pas met sur la sellette. Et pourtant Anne ne lâche rien, notamment vis à vis du père dont le degré d'aveuglement vis à vis de la défaite de la civilisation sudiste face au nord dans la guerre de Sécession renvoie aux handicaps de sa fille.

Commenter cet article