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Falbalas

Publié le par Rosalie210

Jacques Becker (1945)

Falbalas

"Phantom Thread" (2017), "Saint Laurent" (2014), "Yves Saint Laurent" (2013) (comme ça pas de jaloux) et maintenant "Falbalas": c'est au moins le quatrième film que je regarde sur le monde de la haute-couture et le moins que l'on puisse dire, c'est que tous ces grands couturiers n'étaient pas très équilibrés (euphémisme). S'ils fascinent, c'est sans doute par leur côté mi-diva, mi-rock star entre don-juanisme effréné et pulsions suicidaires assumées avec une bonne couche de sado-masochisme entre les deux. Philippe Clarence (Raymond ROULEAU) est un grand collectionneur de femmes-portemanteau dont le talent de créateur n'a d'égale que la goujaterie. Dans une scène éclairante, il nous ouvre les portes de sa collection: de chacune de ses conquêtes, il a conservé une robe avec une étiquette mentionnant la durée de leur liaison. Le fétichisme dans toute sa dimension, y compris le vampirisme puisque par ce geste, il vide ses modèles de leur substance. Mais la plus belle pièce, la robe de mariée qui termine le défilé, il ne l'a pas encore trouvé. Jusqu'à ce qu'il tombe sur Micheline Lafaurie jouée par une splendide Micheline PRESLE de 22 ans. Il ne va avoir de cesse que de l'habiller et de la posséder, devinant le potentiel romantique qui se cache sous les airs de la provinciale de bonne famille sur le point de faire un mariage de raison. Dans une admirable scène de ping-pong sonorisée de façon à rendre le bruit insupportable, Micheline se retrouve prise entre le marteau et l'enclume: céder à un homme désirable mais mortifère ou se soumettre au patriarcat traditionnel. Finalement, comprenant dans quels pièges elle risque de tomber, elle se dérobe ce qui sous l'Occupation (le film a été tourné au printemps 1944) était particulièrement audacieux. Le fiancé devenu ami est déçu mais fait bonne figure alors que le couturier, voyant sa création-créature lui échapper devient fou. Il est intéressant de voir combien cet homme hyperactif, capricieux, infantile, égoïste, s'étourdissant dans un tourbillon permanent de mots et de mouvements finit par perdre la parole et se figer comme les mannequins silencieux qui meublent son atelier.

Mais ce n'est pas le seul instantané saisissant du film. Jacques BECKER dont c'était le troisième film achevé dépeint avec grande richesse documentaire un milieu qu'il connaissait bien, sa mère y ayant travaillé, celui des maisons parisiennes de haute-couture. Un milieu ultra-hiérarchisé, des petites mains à la contremaître peu commode, très féminisé et cependant patriarcal. Un milieu dans lequel on s'épie, on se jalouse et on ne se fait pas de cadeaux. Pour l'anecdote, c'est le couturier Marcel Rochas qui conçut les robes que l'on voit dans le film. Une mode qui peut laisser perplexe (les chapeaux surtout sont hideux).

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