Catherine Deneuve, à son image
Claire Laborey (2023)
Pour les 80 ans de Catherine DENEUVE fêtés le 22 octobre 2023, Arte lui consacre un cycle de six films et un documentaire inédit. Celui-ci revient sur les plus de soixante ans de carrière de l'icône du cinéma français avec un titre malin qui fait référence à la polysémie du terme. Comme Greta GARBO, Catherine DENEUVE apparaît aux yeux des cinéastes et des cinéphiles comme une page blanche à noircir de rêves. Son masque de blonde froide et impassible qui aurait tout à fait pu lui ouvrir les portes du cinéma de Alfred HITCHCOCK en fait aussi quelqu'un de mystérieux dont on a envie de sonder les profondeurs. C'est ce que fait à sa manière Roman POLANSKI dans "Repulsion" (1965) qui rappelle quelque peu "Vertigo" (1946) à ceci près qu'au lieu de montrer un homme névrotiquement amoureux d'une image figée et mortifère qui lui échappe, il montre des hommes se faisant prendre au piège par une folle furieuse cachée sous son apparence angélique. Dans le site web, la Kinopithèque, l'article consacré à "Répulsion" évoque " le piège de l’image qu’est le cinéma pour les belles femmes : elles sont enfermées dans la pellicule et ne peuvent échapper à leur destin de fantasmes masculins". Et d'évoquer "Belle de jour" (1966) de Luis BUNUEL qui a énormément contribué à façonner Catherine DENEUVE comme un fantasme sur pattes bien que le premier pygmalion de l'actrice ait été Jacques DEMY, lui qui en a fait une princesse placée sur un piédestal. On comprend mieux son désir de liberté par la suite avec un appétit de cinéma insatiable où elle a pu jouer à casser cette image. Le film montre le rôle émancipateur joué par Francois TRUFFAUT qui lui a donné des rôles actifs: aventurière très masculine dans "La Sirene du Mississipi" (1969), directrice de théâtre dans "Le Dernier metro" (1980). D'une certaine manière "Potiche" (2010) retrace bien ce parcours qui a fini par imposer Catherine DENEUVE comme une femme de tête, capable de se renouveler sans cesse "aveugle, muette, amputée, meurtrière, vampire, mère de famille, fille mère, lesbienne, alcoolique" et en même temps, parfaitement reconnaissable de rôle en rôle. Le film qui fait intervenir de nombreux réalisateurs ayant travaillé avec elle (Arnaud DESPLECHIN, Andre TECHINE, Benoit JACQUOT, Nicole GARCIA etc.) insiste sur sa manière de travailler comme membre d'un tout et en se jetant dans le vide sans préparation. C'est sans doute pour cela qu'elle est si peu une actrice de composition mais plutôt d'appétit pour les films.
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