Un métier sérieux
Thomas Lilti (2023)
"Un métier sérieux" est un film pris entre le marteau et l'enclume. D'un côté, à la manière de ses films/séries sur le monde de la médecine, Thomas LILTI cherche à dépeindre la réalité du monde de l'éducation façon "petites tranchettes de vie" et parvient souvent à toucher juste, notamment sur des détails: les travaux assourdissants qui empêchent d'entendre les cours, la fenêtre qui ne ferme pas comme si c'était une fatalité qui ne pouvait être changée, l'inspectrice sans empathie qui met un peu plus la tête sous l'eau de la prof déjà dépressive, l'exercice "attentat-intrusion" qui tourne au fiasco car mal préparé faute de formation préalable suffisante, les premiers postes éloignés, mal desservis, le cas des contractuels précaires etc. Autre aspect réussi, l'enseignement n'est pas idéalisé: il n'y a pas de Zorro pour venir sauver le navire éducation ou bien un super-prof capable d'éveiller une classe aux joies de la culture et encore moins de relation privilégiée prof-élève. D'ailleurs la séquence consacrée au conseil de discipline est particulièrement nuancée et ne débouche sur aucun miracle mais une sensation de gâchis collectif. Ce qui ressort et est également réaliste, c'est l'usure du quotidien et l'ennui qui pointe son nez des deux côtés: chez les élèves mais aussi chez les profs les mieux aguerris qui ont l'impression de ronronner. A côté de tous ces éléments sortis du vécu quotidien de nombreux établissements, le film est un feel-good movie qui montre une équipe de profs aux caractères archétypaux (le je m'en-foutiste, l'ex-cancre plus animatrice que prof et celle au contraire qui est trop appliquée, le vieux briscard et le petit jeunot qui débute etc.) et âges différents mais ultra-soudés et épaulés par une direction un peu faiblarde question charisme mais pleine de bonne volonté. Outre le fait qu'il s'agit d'une simplification considérable de la vie d'un établissement qui comporte bien d'autres acteurs clés (les CPE, l'intendant, le chef des travaux, les secrétaires pédagogiques, l'infirmière, l'assistante sociale...), le cas de figure montré dans le film est loin d'être une généralité. Il y a des équipe de profs qui s'entraident (par exemple les plus anciens qui ramènent les jeunes non véhiculés à la gare RER ce qui est également l'occasion de discuter) mais il y en a aussi qui se bouffent le nez pour des questions parfois de statuts, de classes, de missions ou d'horaires à se répartir. Le film s'intéresse par ailleurs assez peu aux élèves et occulte presque complètement la crise d'attractivité du métier et ses causes. Bref un essai qui ne manque pas d'intérêt mais quelque peu inabouti.
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