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Permanent Vacation

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (1980)

Permanent Vacation

"Permanent Vacation", le film de fin d'études de Jim JARMUSCH est assez aride et constitue une sorte de brouillon de son oeuvre future. Le générique oppose de manière dichotomique (et programmatique) les grandes artères bondées et affairées de New-York et les venelles désertes comme l'endroit et l'envers d'une même médaille. Son film va donc se glisser dans les interstices du rêve américain, auprès d'un jeune homme qui en constitue le reflet inversé puisqu'il s'agit d'un oisif (comme le titre l'indique), un vagabond qui erre dans les périmètres les plus délabrés d'une ville qui semble tomber en ruines, y croisant des gens tout aussi paumés que lui et tout aussi délabrés que leur environnement qui comme lui-même passent leur temps à soliloquer. Tout cela vu et filmé par un esthète que cette déliquescence inspire sur fond de saxophone jazzy (John LURIE dans un rôle uniquement musical). Tout en exprimant déjà certains leitmotiv de sa filmographie (la littérature, la musique, l'errance contemplative, la marginalité, le road movie), Jim JARMUSCH capture la réalité de la ville au début des années 80 minée par la crise et la corruption: le complexe entourant les tours jumelles du World Trade Center n'était pas achevé, Central Park n'était qu'un terrain vague mal famé, le Bronx était constellé d'immeubles incendiés par leurs propriétaires qui plutôt que de ne pouvoir augmenter les loyers préféraient détruire leur bien et récupérer l'argent de leur assurance et Brooklyn ressemblait à une ville-fantôme. Tout au long du film, on voit Aloysious Parker (Chris PARKER) naviguer dans ce qui ressemble à une zone de guerre, dormant dans des squats ou dans la rue, dans une fuite en avant perpétuelle, aux confins où liberté et folie se rejoignent "Somewhere over the rainbow". Il est intéressant de comparer ce film avec "Inside Llewyn Davis" (2013) afin de réaliser combien la vision de la ville s'est depuis embourgeoisée alors que l'histoire est censée se dérouler dans les années 60 dans un milieu bohème assez proche de celui de Jarmusch. Même s'il reste encore aujourd'hui des traces du New-York libre, sauvage et dément d'autrefois (la scène où Aloysious visite sa mère à l'asile achève de le définir comme un homme sans attaches), "Permanent Vacation" en donne une vision saisissante, Jim JARMUSCH rendant ainsi hommage à celui qui lui a mis le pied à l'étrier, Nicholas RAY, mort la veille du tournage du film.

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