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Le Ciel peut attendre (Heaven Can Wait)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1943)

Le Ciel peut attendre (Heaven Can Wait)

Avant-dernier film de Ernst LUBITSCH (il décèdera quatre ans plus tard), le seul en couleur, "Le ciel peut attendre" est une oeuvre testamentaire dont le maître-mot est une fois de plus l'élégance. Car en plus d'être une étude de moeurs assez piquante sur le couple, "Le ciel peut attendre" est aussi un film sur la mort. "La vie est une entreprise de démolition" disait Fitzgerald et le fait est que le temps est un protagoniste à part entière du film. Les anniversaires de Henry Van Cleve (Don AMECHE) qui scandent le film apportent avec eux de plus en plus de mélancolie et de gravité au fur et à mesure que les pertes s'accumulent et qu'avec le temps "tout s'en va" (la jeunesse, la santé, le pouvoir de séduction, les êtres chers et finalement la vie) alors que son environnement aristocratique est condamné à disparaître avec lui "autre temps, autres moeurs". Néanmoins, si le film reste une comédie, c'est que cette gravité est compensée par la légèreté de moeurs de Henry Van Cleve, coureur de jupons invétéré dont le désir pour le beau sexe durera jusqu'à sa mort comme le montre la séquence de l'échange des infirmières. Une légèreté elle-même tempérée par les sentiments qu'il éprouve pour son épouse Martha (Gene TIERNEY) qui n'est elle-même pas avare de paradoxes. Derrière son apparence de jeune femme rangée, bonne épouse et bonne mère, n'est-elle pas littéralement allergique aux conventions régissant la conjugalité bourgeoise (incarnées par le parfaitement ennuyeux Albert, cousin de Henry ainsi que par ses propres parents, englués dans une guerre domestique sans fin), lui préférant le frivole, amoral et aventureux Henry dont elle n'est jamais dupe? Le délicieux grand-père de Henry (impayable Charles COBURN) est la figure tutélaire unissant le couple (la mise en scène le place souvent entre Henry et Martha, en chair et en os puis en portrait), encourageant les frasques de Henry tout en étant profondément attaché à Martha. Laquelle a compris que "pour rendre son mari heureux" (ou plutôt son ménage heureux), il fallait accepter qu'il soit traversé par "le tourbillon de la vie". Sa tendre indulgence vis à vis de son "petit Casanova" est bien sûr mise à l'épreuve dans un cadre qui semble aujourd'hui bien obsolète (monsieur trompe, madame se tient à carreau pour deux et pardonne). Il n'en reste pas moins que par sa franchise et sa tolérance, Martha échappe aux conventions au point qu'avec un peu de malice, on peut imaginer qu'elle vit par procuration. Dans ses oeuvres pré-code, les femmes sont libres de leurs désirs et envoient valser la morale aussi bien que ne le fait Henry. Le jugement final du diable, qui est le double de Ernst LUBITSCH ne laisse guère de doute sur ce qu'il pensait du puritanisme chrétien.

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