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Steak

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2007)

Steak

"Steak" est fondé sur un malentendu devenu célèbre. Les spectateurs croyaient voir le nouveau film de Eric & Ramzy et se sont retrouvés devant le premier vrai long-métrage de Quentin Dupieux (Nonfilm est considéré comme un court-métrage même s'il en existe une version longue). Autrement dit, un film vendu et distribué comme une grosse comédie populaire telle que la France en produit au kilomètre s'est avéré être un film d'auteur expérimental qui plus est dans un registre d'humour nonsensique devenu élitiste alors que jusqu'aux années 80, il existait encore dans la culture populaire. C'était donc le rejet et l'échec assuré. 16 ans et une dizaine de films plus tard, la compréhension de l'univers de Quentin Dupieux aidant (même s'il reste un réalisateur clivant), "Steak" a été réhabilité par les critiques qui l'avaient assassiné à l'époque de sa sortie et est en passe de devenir un film culte.

S'il n'y a pas de steak dans "Steak", la viande (humaine de préférence) est un sujet récurrent du cinéma de Quentin Dupieux. Or le film traite de conformisme par la chirurgie esthétique et quand il n'est pas possible de passer sous le bistouri, on voit un remodelage de façade et un tatouage effectué à l'aide d'agrafes implantées directement dans la chair. Les clones de la bande à "Chivers" (en référence au film de Cronenberg "Shivers", réalisateur qui a énormément influencé les premiers Dupieux) ont tous la tête et la dégaine de Michaël Jackson dans "Thriller" (logique, il y est aussi question de métamorphose et de "shivers") mais ne boivent que du lait ce qui fait ressurgir dans la mémoire cinéphile aux côtés des zombies et loups-garous les droogies de "Orange mécanique". Face à ce phénomène, Eric & Ramzy (alias Blaise et Georges) ont des comportements opposés. Ramzy est un loser qui cherche désespérément à intégrer la bande en se débarrassant de son encombrant ami et en faisant du zèle pour adopter les codes Chivers mais il n'y parvient pas et se fait rejeter. L'introduction du film le montrait déjà comme le souffre-douleur désigné des autres au sein d'un campus estampillé USA mais tourné au Canada (un petit clin d'oeil supplémentaire à Cronenberg). Et ce n'est pas le seul décalage puisque les étudiants ont tous 10-15 ans de trop. Mais les références appartiennent bien aux teen (horror) movies ou aux school shooting movies tels que "Massacre à la tronçonneuse" ou "Elephant". Et à propos de gros mammifère terrestre, il y a aussi du "Rhinocéros" dans "Steak" puisqu'il s'agit de perdre son identité propre pour adopter celle qui permet de se fondre dans le collectif. Blaise lui au contraire n'a aucune difficulté à intégrer la bande alors qu'il ne l'a même pas cherché, son seul désir étant de rester avec son ami. Mais de façon assez machiavélique, ils ne pourront jamais être ensemble, quand l'un est inclus, l'autre est exclu. Rien de tel que de dissocier un duo d'inséparables pour faire réfléchir et faire une satire du rêve américain: obsession du paraître, conformisme outrancier, culte des armes, puritanisme (l'interdiction des substances autres que le lait).

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