Indiana Jones à la recherche de l'âge d'or perdu
Clélia Cohen, Antoine Coursat (2020)
"Tout a commencé en 1977 sur une plage de l'archipel d'Hawaï… ", dit la narratrice du documentaire "Indiana Jones à la recherche de l'âge d'or perdu" (2020) en préambule, et sur un échange rapide entre deux amis. « Ça s'appelle Indiana Jones, explique alors George LUCAS à Steven SPIELBERG. Ça se passe dans les années 1930. C'est un film d'aventures surnaturelles. C'est comme un serial. C'est comme un James Bond mais en mieux ».
Très complet et didactique, le film, sorti à l'occasion de la présentation au festival de Cannes du cinquième volet de la saga se penche sur sa genèse avant d'analyser le phénomène. On y apprend une foule de choses. A commencer par la mue de Steven SPIELBERG alors en disgrâce auprès des studios en raison de l'échec de "1941" (1979) et de sa réputation à dépasser le budget et les délais à qui George LUCAS donna une seconde chance qu'il sut saisir pour gagner en rigueur et devenir un pilier du blockbuster hollywoodien. Les sources d'inspiration, sérials à suspense et petit budget diffusé dans les cinémas de quartier pour divertir les foules et James Bond mais aussi grands films d'aventures de l'âge d'or hollywoodien, genre alors tombé en désuétude comme le western ou la comédie musicale. La création de l'icône à partir d'éléments composites: le look de Charlton HESTON dans "Le Secret des Incas" (1954), le cynisme de Humphrey BOGART dans "Le Trésor de la Sierra Madre" (1947), la droiture de Stewart GRANGER dans "Les Mines du roi Salomon" (1949), l'humour et la décontraction de Jean-Paul BELMONDO dans "L'Homme de Rio" (1964) que Steven SPIELBERG adorait, faisant ainsi entrer sans le savoir une touche "Tintin" dans l'univers qu'il était en train de créer. Les conséquences enfin de l'énorme succès de la saga qui a relancé la vogue du film d'aventures, suscitant une foule de déclinaisons et un énorme merchandising tout en générant un mythe moderne à l'égal de celui des chevaliers Jedi.
Car le documentaire contient une dimension critique en contextualisant l'oeuvre de George LUCAS et Steven SPIELBERG. "Indiana Jones" comme "Star Wars" a contribué à refermer le chapitre contestataire des années 70 marqué par le cinéma du nouvel Hollywood au profit des grosses franchises de divertissement des années 80 empreintes d'idéologie reaganienne. Le comportement de Indiana Jones face aux indigènes (forcément barbares) est celui de l'occidental "civilisé" conquérant et un peu arrogant. S'y ajoute une dimension consumériste (les produits dérivés, le concept de franchise, le cinéma "pop-corn") et régressive: pour emporter l'adhésion du plus grand nombre, il ne faut plus faire réfléchir mais divertir et procurer des sensations d'où l'utilisation d'une mécanique d'action frénétique faisant penser à un rollercoaster. Les auteurs vont jusqu'à montrer à raison l'aspect plutôt conservateur des "Indiana Jones" quant au statut des femmes par rapport à certains films ultérieurs reprenant ses codes comme "À la poursuite du Diamant vert" (1984) (Robert ZEMECKIS a beau être un disciple de Steven SPIELBERG, il a ses obsessions propres et les femmes fortes en font partie).
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