Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood
Stéphane Benhamou (2017)
Certes, le documentaire en soi n'est pas transcendant, linéaire et assez superficiel. Mais il a le mérite d'apporter un éclairage sur la personnalité de Robert MITCHUM qui est un acteur dont je ne savais à peu près rien, hormis les cinq films où je l'ai vu jouer (sur les 120 dans lesquels il a tourné mais si on enlève les séries B et les apparitions de fin de carrière, il y en a déjà beaucoup moins). Son jeu non formaté épouse un parcours accidenté, très loin des standards hollywoodiens. Enfant de la crise des années 30, Robert MITCHUM a derrière lui un passé d'errance, de galères et de délinquance quand il parvient à percer en tant qu'acteur après la seconde guerre mondiale. Néanmoins ce passé est surtout le fruit d'une société normative et répressive à laquelle il se ne pliera jamais comme le souligne le passage où il refuse de changer son nom et de camoufler ses origines indiennes. Il en va de même de son refus de collaborer au maccarthysme ou encore son arrestation en 1948 à une soirée pris en flagrant délit de consommation de marijuana. On croit rêver quand on apprend qu'il a fait près de deux mois de prison et que la carrière de la jeune actrice avec qui il fumait fut ruinée*. Sa première arrestation à l'âge de 16 ans pour vagabondage révélait déjà la véritable nature de la société américaine, impitoyable avec les plus faibles. Cela donne d'autant plus de relief à son rôle de démobilisé qui affronte la haine raciste et antisémite des WASP dans "Feux croisés" (1947). L'image de rebelle, bagarreur, "mauvais garçon" collée à Robert MITCHUM n'a de sens que par rapport aux canons puritains et hypocrites de cette société. La véritable personnalité de Mitchum semblait être celle d'un artiste dans l'âme mais qui pour se protéger d'un système fondé sur l'apparence et les mondanités affichait une attitude nonchalante, désinvolte voire cynique. La preuve en est avec l'échec de "La Nuit du chasseur" (1955) qui est pourtant aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands films du septième art. C'est sans doute le film qui nous en dit le plus à son sujet. Comment ne pas voir en ces deux enfants un autoportrait quand on connaît son histoire alors que le diable qu'il incarne paré des atours de la respectabilité religieuse ressemble à un miroir tendu à l'Amérique puritaine qui évidemment ne l'a pas supporté.
*La marijuana est alors vue comme une drogue menant à tous les vices: on dit que sa consommation, qui peut coûter jusqu'à deux ans de prison, conduit au meurtre, aux accidents de la route, au suicide, aux viols et à la folie. Dans un Hollywood de l'après-guerre encore largement contrôlé par les censeurs et en quête perpétuelle d'une moralité d'apparat, Leeds et Mitchum sont condamnés au moment même où ils franchissent le pas de la porte, les menottes aux poignets. Les fixers de la RKO et d'Howard Hughes, le tout nouveau propriétaire du studio, n'ont rien pu faire. La presse est déjà là. Alors, quand un policier lui demande son métier, Mitchum répond «ancien acteur»: il est persuadé que sa carrière à Hollywood est ruinée. (Slate, "Comment un joint avec une star d'Hollywood a ruiné la vie de Lila Leeds, Michael Atlan, 18/08/2019).
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