La Chinoise
Jean-Luc Godard (1967)
En regardant "La Chinoise" de Jean-Luc GODARD, j'ai pensé à un autre film, vu à sortie, "La Seconda volta" (1995) dans lequel une ancienne victime des brigades rouges jouée par Nanni MORETTI retrouvait fortuitement la militante qui avait tenté de l'assassiner 10 ans auparavant (jouée par Valeria BRUNI-TEDESCHI) au nom de slogans criminels tels que "en tuer un pour en éduquer cent". Véronique, le personnage joué par Anne WIAZEMSKY dans "La Chinoise" pourrait représenter les années de formation de Lisa Venturi, le personnage joué par Valeria BRUNI-TEDESCHI. Soit une étudiante en philosophie à la faculté de Nanterre un an avant les événements de 1968 (ce qu'était réellement Anne WIAZEMSKY, nouvelle compagne de Jean-Luc GODARD) sous influence maoïste, l'idéologie alors tendance car d'un rouge "pur et parfait"* rejoignant la soif d'idéalisme de la jeunesse face aux "socio-traîtres" soviétiques ayant osé pactiser avec "le tigre de papier" américain pour éviter une guerre nucléaire. Si Jean-Luc GODARD utilise de nombreux procédés de distanciation (l'influence de Brecht est explicitement revendiquée) pour ridiculiser les discours de Véronique et de ses amis étudiants qui jouent au grand timonier entre les quatre murs d'un appartement bourgeois repeint aux couleurs aussi primaires que les idées qu'ils "bêlent comme des moutons" jamais il ne se place d'un point de vue véritablement humain ce qui rend son positionnement au final assez ambigu. Tout au plus, insère-t-il dans son film un moment qui le sort de la cour d'école pour le placer sur un terrain plus réaliste. Il s'agit de la séquence de conversation dans le train entre Véronique et son professeur de philosophie, joué par Francis Jeanson, le véritable professeur de philosophie de Anne WIAZEMSKY qui avait été Résistant puis engagé aux côtés du FLN durant la guerre d'Algérie et qui donc a l'expérience nécessaire pour mettre Véronique face à l'inanité de ses projets terroristes. Néanmoins la légitimité de la méthode n'est quant à elle jamais questionnée et encore moins l'aliénation de toutes les formes d'endoctrinement, à l'opposé de l'émancipation individuelle recherchée par la jeune fille mais aussi collective défendue par son professeur. Le film de Jean-Luc GODARD manque donc de hauteur de vue aussi bien que d'humanité, se réduisant pour l'essentiel à un exercice de style (un manifeste?) esthetico-intellectuel désincarné.
* Un rouge si pur et si parfait qu'il fit des millions de victimes (celles du Grand Bond en avant superbement ignorées avant celles dans les années 70 des Khmers rouges).
Commenter cet article