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Shock corridor

Publié le par Rosalie210

Samuel Fuller (1963)

Shock corridor

C'est par le biais de Wim WENDERS que j'ai découvert Samuel FULLER. Il a fait une apparition en effet dans "L'Ami américain" (1977) avec d'autres cinéastes à qui Wenders souhaitait rendre hommage. Mais il n'est pas le seul à admirer Samuel Fuller. C'est le cas également de Jean-Luc GODARD (qui lui faisait faire déjà un caméo dans "Pierrot le fou") (1965), Quentin TARANTINO ou Jim JARMUSCH. Pourtant l'oeuvre de Samuel FULLER reste assez méconnue en France et donne également lieu à des malentendus. Ainsi "Shock Corridor" ne doit pas être pris au pied de la lettre. Ce n'est pas un documentaire sur l'asile psychiatrique, sinon Samuel Fuller n'aurait pas engagé Stanley CORTEZ, le chef opérateur de "La Nuit du chasseur" (1955) pour donner au film une ambiance expressionniste proche d'un film d'horreur en milieu clinique. Un choc des contraires en noir et blanc particulièrement brutal qui fait des étincelles, les aliénés non mis à l'isolement se retrouvant dans un long couloir rectiligne surnommé "La rue". Comme "Vol au-dessus d'un nid de coucou" (1975), il s'agit d'établir à travers la plongée dans ce microcosme d'exclus infiltré par un imposteur la critique d'un système politique et/ou social. Ce dernier est un individu cynique qui joue la comédie pour tirer un gain de son internement sans réaliser qu'il vend ainsi son esprit au diable. Ce n'est pas par hasard que l'URSS faisait interner ses dissidents afin de les briser. "Shock Corridor" qui se présente sous la forme d'une enquête journalistique (le premier métier de Samuel Fuller) sur un meurtre non résolu à l'intérieur de l'asile est une assez saisissante radiographie des maux de l'Amérique. Les trois témoins du meurtre représentent ainsi respectivement la guerre, le racisme et la bombe nucléaire (le film date de 1963, l'année suivant la crise des missiles à Cuba). Quant au journaliste, il est le parfait rejeton du système, un ambitieux aux dents longues qui préfère écouter sa hiérarchie dans l'espoir d'être primé plutôt que sa fiancée qui est la seule à comprendre d'emblée qu'il n'y survivra pas. De fait, son évolution fait froid dans le dos, depuis le moment où il est mordu par des nymphomanes (scène qui rappelle la mise à mort de Sébastian dans "Soudain l'été dernier" (1959), le sexe se muant en appétit carnassier et vampirique) jusqu'au moment où il lutte contre un mutisme qui menace de l'emmurer en lui-même avant qu'un final diluvien de vienne emporter sa raison. Le film aujourd'hui encore suscite le malaise de par ses scènes-chocs, notamment tout le passage autour du deuxième témoin, un afro-américain si aliéné par le discours suprémaciste qu'il se prend pour un membre du Ku Klux Klan.

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