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Frantic

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1988)

Frantic

J'ai un faible pour "Frantic" qui est pourtant considéré comme mineur dans la filmographie de Roman POLANSKI. Ce n'est pas tellement l'influence de Alfred HITCHCOCK qui me fascine dans ce film bien qu'elle soit très présente: "Une femme disparaît" (1938) pendant que son mari se trouve sous la douche de "Psychose" (1960) et il doit l'échanger contre un MacGuffin qui suscite moult convoitises alors que pour le spectateur et pour les protagonistes, l'objet, indéchiffrable ne présente aucun intérêt. Il finit d'ailleurs là où est sa vraie place. Non, ce qui fait la force de "Frantic", c'est son point de vue, celui d'un étranger qui après l'enlèvement de sa femme se débat dans un Paris indifférent voire hostile. La barrière de la langue mais également une succession de méprises plongent le docteur Richard Walker, un homme sans histoires merveilleusement interprété par Harrison FORD dans un vrai cauchemar. Un cauchemar que Roman POLANSKI rend très palpable et qui on le sent relève de son expérience personnelle, lui qui a vu une partie de sa famille anéantie* et qui a dû s'exiler à plusieurs reprises. C'est avec un certain effarement que l'on assiste au décalage entre l'angoisse vécue par Richard Walker et la manière dont ceux à qui il demande de l'aide réagissent. La plupart, quand ils arrivent à comprendre ce qu'il dit ne le prennent pas au sérieux et pensent que sa femme s'est enfuie avec un amant. D'ailleurs, plus tardivement dans le film, Walker finira par le leur faire croire en se faisant passer lui aussi pour un mari volage afin de se débarrasser d'eux, jouant sur les clichés du "gai Paris". Ne pouvant compter que sur lui-même, Richard Walker plonge alors dans une facette de la ville dans laquelle il apparaît tout aussi décalé, celle du Paris interlope. C'est dans ce contexte qu'il rencontre une autre solitude, la jeune Michelle (Emmanuelle SEIGNER dans l'un de ses premiers rôles) qui est à l'origine de toute l'affaire puisqu'elle a confondu la valise qu'elle devait remettre à son patron trafiquant avec celle du couple d'américains. Une relation trouble se noue entre Walker et Michelle qui se retrouve à porter une robe de la même couleur écarlate que celle de la femme de Walker. Relation trouble car teintée d'érotisme même s'il y a aussi beaucoup de tendresse entre les deux personnages: Michelle s'accroche à Walker comme une bouée de sauvetage et Walker tente de la protéger. Et ce n'est pas un hasard si les derniers mots de Michelle sont "ne me laisse pas seule".

* Dans "Le Pianiste" (2002), Roman POLANSKI filme la place du ghetto de Varsovie vidée de sa population et jonchée d'objets leur ayant appartenu. Dans "Frantic" il filmait déjà fondamentalement le même vide abyssal: une place déserte dans laquelle le docteur Walker retrouvait un objet ayant appartenu à sa femme. Le quartier de Cracovie où se trouvait le ghetto dans lequel a été enfermé Roman POLANSKI a pour centre aujourd'hui "la place des chaises vides" en mémoire des disparus. Peut-être qu'à travers "Frantic", Polanski exprime ainsi l'incompréhension de ceux qui n'ont pas vécu cette expérience.

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