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Él (Tourments)

Publié le par Rosalie210

Luis BUÑUEL (1953)

Él (Tourments)

"El", le seul film de Luis BUÑUEL que j'ai vu dans ma jeunesse relie la maladie mentale d'un individu à la pathologie de la société qui l'a forgé. Une société patriarcale et misogyne dont l'héritage se fait toujours sentir dans notre société moderne et sécularisée. "El" qui appartient à la période mexicaine de son auteur étudie de façon clinique la progression inexorable de la folie de son personnage principal, Francisco Galvan de Montemayor (Arturo de CÓRDOVA), un bourgeois catholique fervent qui s'éprend des pieds d'une femme belle et pieuse, Gloria (Delia GARCÉS), un fétichisme qui souligne d'entrée qu'elle ne sera pour lui qu'un obscur objet de désir. Obscur objet car morcelé comme le célèbre tableau de Georgette Magritte et donc réduit à un désir de possession impossible à assouvir, le corps formant un tout vivant et insaisissable. C'est à ce moment-là que l'obsession de Francisco à conquérir et posséder sa future femme rejoint son obsession tout aussi vaine à reprendre possession du domaine de ses ancêtres, patrimoine et patriarcat ne faisant ainsi plus qu'un dans la pathologie que développe le personnage vis à vis du réel. Pathologie qui se manifeste d'abord dans le refus de toute intrusion allant dans le sens contraire à ses désirs: les avocats qui tentent de lui faire comprendre qu'il n'a aucune chance de gagner son procès contre les propriétaires des biens ayant appartenu à sa famille sont aussitôt congédiés, les "fâcheux" qui s'interposent entre sa femme et lui sont esquivés puis repoussés de façon musclée. Mais cet aspect plutôt comique du comportement délirant du personnage se transforme rapidement en enfer pour son épouse, soumise à une emprise tyrannique dont les manifestations s'avèrent hélas toujours d'actualité: jalousie, paranoïa, séquestration, maltraitances physiques et psychologiques ayant pour but de briser la personnalité et de placer l'individu sous le contrôle total du tyran qui peut ainsi y déverser ses fantasmes pervers les plus refoulés. Un comportement de "meurtrier impuissant" qui rejoint de manière frappante les pulsions morbides de Scottie dans "Vertigo" (1958) de Alfred HITCHCOCK, lui qui ne peut aimer qu'une morte. La scène du clocher établit une parenté frappante entre les deux films alors que la relation entre Francisco et Gloria évoque outre Alfred Hitchcock, "Gaslight" (1943) de George CUKOR. Enfin la folie de Francisco ne peut être séparée de son contexte, celui d'un puritanisme religieux misogyne (comme l'ensemble de la société) mais contre lequel il finit par se retourner lors d'une scène d'hallucination paranoïaque saisissante.

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