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Sérénade à trois (Design for Living)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1933)

Sérénade à trois (Design for Living)

Comédie spirituelle et irrévérencieuse pré-code, "Sérénade à trois" raconte comme son titre l'indique la valse-hésitation d'une femme entre deux hommes, et même trois si l'on ajoute Max Plunkett (Edward Everett HORTON) qui représente le parti de la "raison" face aux deux artistes-bohème sans-le-sou que sont George (Gary COOPER) et Tom (Frederic MARCH). D'ailleurs sa phrase-fétiche est "L'immoralité peut être amusante, mais pas assez pour remplacer 100% de vertu et trois repas par jour". Effectivement Max est ennuyeux comme la pluie mais il a pour lui deux "pièges à filles": le prestige social et un compte en banque bien garni. Néanmoins ce n'est pas pour cela que Gilda (Miriam HOPKINS) est tentée par la situation qu'il lui propose mais pour échapper à l'insoluble casse-tête de devoir choisir entre George et Tom et de ne pas y arriver. Tour à tour, on les voit tester différentes configurations dont aucune ne s'avère durable: un "gentleman agreement" basé sur l'amour platonique sauf que comme le rappelle Gilda, elle n'est pas un gentleman, la vie de couple avec l'un, une aventure avec l'autre et finalement pourquoi pas avec les deux? Ce sont les désirs de Gilda qui mènent la danse ce qui est en soi des plus piquants et d'ailleurs dans l'une des premières scènes du film, on la voit ridiculiser Napoléon en l'affublant de sous-vêtements de la marque dont elle fait la publicité. Napoléon qui dans son fameux code de 1804 plaçait la femme sous l'autorité de son mari "au nom de la famille et de sa stabilité". "Sérénade à trois" est au contraire fondé sur l'instabilité et le choix de la bohème est l'antithèse du mariage bourgeois incarné par Max. Le tout avec une suprême élégance. Jamais ce libertinage n'est montré comme graveleux ou scandaleux. Tout semble parfaitement naturel, pétillant, joyeux et quand les deux hommes sont en proie à la jalousie et en viennent au clash, ils le font avec panache grâce aux dialogues et aux idées de mise en scène de Ernst LUBITSCH. Ainsi est très souvent cité en exemple la scène où George déduit que Gilda a passé la nuit avec Tom du fait qu'il trouve ce dernier chez elle au petit matin habillé en smoking et qu'un plan nous montre (et à lui aussi) un petit déjeuner pour deux. Mais n'est jamais mentionné qu'il casse des objets et la savoureuse tirade de Tom qui s'ensuit "C'est une manière de gérer la situation. Commis rentre chez lui, trouve madame avec pensionnaire et casse vaisselle. Du burlesque pur. Mais il y a une autre manière. Artiste intelligent rentre à l'improviste, trouve ses amis infidèles. Les hommes pèsent entre adultes le pour et le contre de la situation. Comédie de haut niveau. Tout le monde apprécie". Et George de répliquer "Il y a une troisième manière. Je te casse les dents et je t'arrache la tête pour t'enseigner la bienséance". Ce à quoi Tom répond "Mélodrame bon marché. Très ennuyeux". La grande classe!
Bien évidemment François TRUFFAUT qui adorait le film s'en est inspiré pour "Jules et Jim" (1962) et son héritage se fait ressentir jusqu'à "Les Valseuses" (1974), notamment dans la scène finale et "Whatever Works" (2009) de Woody ALLEN qui recherche la configuration amoureuse la plus susceptible de rendre heureux même s'il faut pour cela être en dehors des clous.

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