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La Habanera

Publié le par Rosalie210

Detlef Sierck (1937)

La Habanera

Il y a une dizaine d'années, une collègue m'avait prêté le coffret DVD Carlotta de quatre mélodrames allemands réalisés par Douglas SIRK à l'époque où il travaillait pour la UFA et se nommait Detlef SIERCK. Sortis entre 1935 et 1937 ces films en noir et blanc préfigurent les mélodrames flamboyants qu'il réalisera à Hollywood. A ceci près qu'il leur manque une profondeur déchirante que l'on peut mettre en relation avec l'histoire personnelle de Douglas Sirk qui en migrant aux USA pour échapper à la mise sous tutelle de la UFA par les nazis avec sa seconde femme juive a dû laisser en Allemagne son fils né d'un premier mariage avec une femme devenue ensuite une nazie fanatique et qui réussit à couper tout contact entre son ex-mari et leur fils devenu lui-même nazi qui fut tué en 1944 sur le front de l'est.

"La Habanera" est donc le dernier des sept films allemands que tourna Sirk avant de quitter l'Allemagne. Ce n'est pas le plus réussi, d'ailleurs je n'en avais gardé aucun souvenir. Il y a une belle photographie, de belles chansons mais l'histoire est assez manichéenne, opposant des suédois technologiquement avancés (notamment en médecine) aux habitants de l'île de Porto-Rico dépeints comme des sauvages arriérés par la tante de Astrée (Zarah LEANDER aux faux airs de Greta GARBO et qui avait déjà joué pour Sirk dans "Paramatta, bagne de femmes") (1937). S'y ajoute le comportement machiste et rétrograde du mari d'Astrée, Don Pedro de Avila (Ferdinand MARIAN) qui règne en maître sur l'île. Heureusement, le personnage d'Astrée apporte une nuance bienvenue parce qu'elle tombe amoureuse de l'île qui lui semble être un paradis. Certes, dix ans après, la tyrannie de Don Pedro lui fait reconsidérer Porto-Rico comme un enfer dont elle rêve de s'échapper pour retourner en Suède avec son fils. Mais lorsqu'elle parvient finalement à partir, elle éprouve des regrets qui renvoient à son choix initial. Il faut dire qu'idéologiquement, la Suède est un avatar de l'Allemagne nazie. Bien que neutre pendant la seconde guerre mondiale, elle s'aligna sur les lois raciales nazies et on sait que le pays pratiqua une politique de stérilisations forcées destinées à préserver la "pureté de la race nordique" des années 30 jusqu'aux années 90. Quant à Porto-Rico (en réalité Ténérife dans les îles Canaries appartenant à l'Espagne alors en guerre civile entre Franco soutenu par les nazis et les Républicains), il s'agit d'une allégorie de la Pologne, envahie deux ans plus tard par l'Allemagne.

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