Incroyable mais vrai
Quentin Dupieux (2022)
Ayant découvert le cinéma de Quentin DUPIEUX trop tard pour voir "Incroyable mais vrai" en salle, j'attendais de pied ferme son passage sur Canal + et j'ai été complètement bluffée. En dépit de sa courte durée, il s'agit de l'un de ses meilleurs films, beaucoup plus rigoureux dans sa construction que "Fumer fait tousser" (2021) et qui tient davantage du conte philosophique que de la comédie loufoque. Si le film repose sur deux postulats fantastiques dont l'un est propice à déclencher l'hilarité (je me suis d'ailleurs demandé combien il avait fallu de prises pour que les acteurs réussissent à garder leur sérieux devant l'énormité de certaines répliques), l'arrière-plan comme dans la plupart des films du réalisateur est vertigineux de désespérance. Les deux couples du film, Alain et Marie (Léa DRUCKER et Alain CHABAT), Jeanne et Gérard (Anaïs DEMOUSTIER et Benoît MAGIMEL) se sont unis autour d'un secret qui s'avère être en réalité une sorte de pacte avec le diable: plus on avance dans le film et plus ce secret libère sa toxicité, révélant que ces unions ne reposent finalement que sur un vide abyssal. D'ailleurs Marie et Gérard sur qui reposent les postulats fantastiques finissent par devenir des monstres, leurs complexes, leurs frustrations mais aussi leurs égocentrismes se muant en névroses obsessionnelles qui non seulement les coupe du monde mais se répercute sur leurs anatomies respectives jusqu'à l'autodestruction complète. Si la question du temps est centrale dans le film, pas seulement dans son intrigue mais aussi dans sa forme avec un montage accéléré sur la fin nous montrant les conséquences désastreuses des choix des protagonistes sur le long terme, celle de l'espace l'est tout autant. Lorsque Marie ressort du conduit par le haut alors qu'elle y est entré par le bas (symbolisant son parcours contre-nature), elle se retrouve face à son propre reflet, séduisant en surface, pourri à l'intérieur. Lorsque Gérard change de partenaire sexuelle, les choisissant de plus en plus exotiques, il se retrouve immuablement à son point de départ jusqu'à l'explosion finale. Bref, c'est l'impasse existentielle et ça ne peut que mal finir. J'ajoute que la métaphore du pourrissement pour symboliser le temps qui passe et le vieillissement m'a fait penser à "La Rose et la flèche" (1976). Même si les fourmis qui s'échappent de la main sont une évidente référence au cinéaste fétiche de Quentin DUPIEUX, Luis BUÑUEL et au peintre Salvador DALÍ à qui Dupieux a récemment consacré un film qui va bientôt sortir en salles.
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