Touche pas à la femme blanche! (Non toccare la donna bianca!)
Marco Ferreri (1974)
A l'image de son indien fou mais terriblement perspicace (Serge REGGIANI dans un rôle de bonze étonnant), le film de Marco FERRERI tourné dans la foulée de "La Grande bouffe" (1973) avec la même équipe n'est pas aussi absurde qu'il en a l'air. Dans les années 70, époque du Nouvel Hollywood contestataire, l'heure est à la déconstruction des mythes et le genre du western ne fait pas exception à la règle. Terminée l'ère de la glorification raciste de la colonisation américaine porteuse de "civilisation" face aux méchants indiens vus comme des "sauvages". Le traumatisme de la guerre du Vietnam est passé par là et a renversé les rôles. Désormais les indiens sont dépeints comme des victimes de la sauvagerie des blancs dans des films dénonciateurs comme "Soldat bleu" (1970) ou "Little Big Man" (1970) ou bien la sauvagerie des uns et des autres est renvoyée dos à dos dans des films comme "Fureur apache" (1972). C'est donc dans ce contexte que Marco FERRERI décide de tourner une parodie de western dans un décor a priori improbable: le trou des Halles, l'ancien "ventre de Paris" dépeint par Zola qui était au début des années 70 un immense chantier de démolition cerné de tous côtés par les immeubles haussmanniens qui le surplombaient. Y tourner un western révisionniste dans lequel les héros d'hier sont tournés en dérision créé un télescopage entre deux réalités qui se répondent: la conquête de l'ouest au détriment des indiens d'un côté, les débuts de la gentrification au détriment des classes populaires parisiennes de l'autre (la notion de frontière y est la même). C'est avec un pincement au coeur que l'on assiste à la destruction d'un des pavillons Baltard dont on sait par quelles horreurs ils ont été remplacés. Marco Ferreri ne s'arrête d'ailleurs pas là avec des allusions à la guerre d'Algérie, au coup d'Etat au Chili etc. au point de paraître brouillon, surtout si on ne connaît pas bien les faits. Mais le ton du film n'est pas à la tristesse mais à la bouffonnerie avec de nombreux anachronismes et un aéropage d'acteurs français et italiens qui cabotinent à qui mieux mieux. La parodie se retrouve jusque dans la musique de Philippe SARDE qui tourne en dérision les trompettes de la cavalerie alors que la star de ce qui s'apparente à un grand cirque est Buffalo Bill joué par un Michel PICCOLI entouré d'une caravane digne du tour de France sponsorisée par Conforama (la capitalisme en prend aussi pour son grade, la bourse du commerce étant surnommée ironiquement "notre chapelle Sixtine"). Son grand rival, Custer devient un général d'opérette joué par un Marcello MASTROIANNI obsédé par son apparence (sa coiffure ridicule notamment) et son effet sur les dames de la bonne société est résumé par le personnage de ravissante idiote jouée par Catherine DENEUVE (les deux acteurs étaient alors en couple à la ville et jouait dans des films improbables comme "L Événement le plus important depuis que l homme a marché sur la Lune") (1973). Un film qui à l'époque connut un échec retentissant et que l'on peut trouver au choix aujourd'hui soit réjouissant, soit complètement raté.
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