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Mirage de la vie (Imitation of life)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1959)

Mirage de la vie (Imitation of life)

Des diamants qui tombent un à un comme autant de larmes jusqu'à finir par en saturer l'écran. C'est par ce magnifique générique que débute le non moins magnifique "Mirage de la vie", le dernier film de Douglas SIRK et l'un de ses plus beaux, en tout cas mon préféré. Un mélodrame flamboyant comme il en avait le secret, à l'intrigue parfaitement lisible et pourtant aussi riche que rigoureux dans sa construction. Dès sa première scène sur la plage de Coney Island, tous les enjeux du films sont posés: l'émancipation de la ménagère WASP de moins de 50 ans qui ne veut plus être la femme-objet du désir masculin et de la société de consommation façonné par lui; le sacrifice du lien filial qu'implique ce désir, incarné par Susie, clone si parfait de sa mère qu'une fois adulte elle tombera amoureuse du même homme; la mère de substitution qu'incarne pour Susie l'afro-américaine Annie Johnson qui la recueille et lui donne à manger sans même la connaître; le malentendu d'entrée de jeu sur l'identité de Sarah-Jane, la fille d'Annie qui a le tort de ne pas refléter la négritude de sa mère et qui dans une société ségréguée "n'habite nulle part". "Mirage de la vie", c'est l'histoire de deux filiations perturbées, l'une par la question féministe et l'autre par la question raciale. C'est l'histoire de deux mères radicalement opposées, l'une, dans la lumière, ambitieuse et carriériste et l'autre dans son ombre, bonne et dévouée et de leurs deux filles qui désirent ce que l'autre a: une vraie mère pour l'une, une place au soleil pour l'autre. La meilleure critique que Douglas SIRK donne de la société américaine des années 50 consiste à dépeindre des choix de vie qui ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Le choix de Lora de se réaliser en tant qu'actrice au détriment de sa vie de famille est une illusion dont elle ne mesure l'ampleur qu'à la fin mais elle aurait fait le choix inverse, n'aurait elle pas été tout aussi insatisfaite, désillusionnée (par les mirages de l'amour, du mariage, de la vie de femme au foyer) n'aurait elle pas fait payer à sa famille ses désirs inassouvis? Celui de Sarah-Jane de renier son identité d'origine pour intégrer le groupe dominant relève d'un choix tout aussi impossible: être soi-même dans une condition sociale inférieure, stigmatisante, marginalisante pour une histoire de taux de mélanine dans la peau ou bien mentir et accéder aux privilèges du groupe dominant mais en se coupant de soi-même. La scène grandiose des funérailles de sa mère Annie, cette femme de l'ombre qui accède à la gloire post-mortem en tant que martyre est profondément troublante et se prête à une grande variété d'interprétations: revanche de la communauté noire qui annonce le mouvement des droits civiques, adieu du réalisateur au cinéma, mort annoncée du clasissisme hollywoodien et de la société lui servant de support.

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