Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Devine qui vient dîner? (Guess Who's Coming to Dinner ?)

Publié le par Rosalie210

Stanley Kramer (1967)

Devine qui vient dîner? (Guess Who's Coming to Dinner ?)

"Devine qui vient dîner" est une comédie qui en dépit d'une mise en scène "sitcom" (mais sans les rires enregistrés) reste très amusante à regarder aujourd'hui en plus de sa valeur historique et sociologique indéniable. "Devine qui vient dîner", c'est le "Philadelphia" (1993) des relations interraciales. Il s'agit du premier film hollywoodien qui aborde la question des mariages interraciaux et par ricochet, du métissage. 1967 est une année clé en ce domaine: l'arrêt "Loving v Virginia" aboutit à l'abolition des lois qui criminalisaient ces unions dans les Etats sudistes (un aspect d'ailleurs évoqué dans le film). "Devine qui vient dîner" est d'ailleurs construit comme un film de procès avec ses plaidoiries et son verdict final. C'est aussi le dernier film de l'irrésistible duo formé par Katharine HEPBURN et Spencer TRACY, très malade lors du tournage et dont ce fut le dernier rôle. Il est intéressant de voir comment Stanley KRAMER a su les utiliser. Bien que le personnage de Katharine HEPBURN soit d'abord sidéré par l'identité de son futur gendre (la tête de l'actrice est alors à hurler de rire), il s'avère aussi progressiste que la plupart des rôles interprétés par l'actrice. Spencer Tracy incarne quant à lui le bon sens terrien confronté à ses contradictions: démocrate aux idées libérales comme son épouse mais effrayé par la transgression des barrières raciales dans son propre foyer. Face à eux, Sidney POITIER compose un personnage à l'évidente résonance autobiographique. On a beaucoup ironisé sur la "perfection" du docteur Prentice bien sous tous rapports et doté d'un statut professionnel et social prestigieux ne correspondant pas à la réalité vécue à l'époque par l'immense majorité des afro-américains mais Sidney POITIER, premier noir à avoir reçu l'Oscar du meilleur acteur n'était-il pas lui-même l'exception qui confirmait la règle? Il est certain que c'est lui qui s'exprime à travers son personnage lorsqu'il dit à son père que la différence entre eux c'est que lui se définit comme un homme et non comme un homme noir. Et le passage où il évoque avec le père de sa fiancée la possibilité qu'un jour un noir accède à la Maison-Blanche fait évidemment écho aujourd'hui à la cérémonie de remise de la médaille de la liberté (équivalent de la légion d'honneur) que Sidney POITIER reçut de Barack Obama en 2009, ce dernier ayant en commun avec l'acteur d'être un pionnier ayant ses origines ailleurs qu'aux USA et n'ayant de ce fait pas intériorisé les siècles d'esclavage et de racisme subis par la majeure partie des afro-américains. De ce point de vue, on savourera particulièrement le personnage de Tillie, héritière d'une longue lignée de nounous noires dans le cinéma hollywoodien (dont l'exemple le plus célèbre est celle de "Autant en emporte le vent") (1938) et qui regarde d'un très mauvais oeil l'arrivée de cet "intrus" qui dérange un ordre social établi depuis des siècles. Dommage que la fiancée du docteur Prentice, jouée par la nièce de Katharine HEPBURN (d'où un air de famille certain) soit une jeune écervelée dont on se demande aujourd'hui ce que ledit docteur peut bien lui trouver.

Commenter cet article