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Cuisine et dépendances

Publié le par Rosalie210

Philippe Muyl (1993)

Cuisine et dépendances

Alors que j'ai vu et revu la plupart des films du brillant duo formé par Agnès JAOUI et Jean-Pierre BACRI dont je suis fan, je n'avais jamais vu leur première oeuvre, celle qui les a révélés. Je connaissais seulement quelques extraits comme celui dans lequel le personnage joué par Bacri refuse de se plier au diktat de la majorité à la façon de Alexis de Tocqueville ^^. On reconnaît les qualités d'observation et d'écriture qui feront leur succès, en particulier leur talent pour mettre à jour les fractures sociales derrière le vernis des apparences. La pièce qui a engendré le film ne s'appelle pas pour rien "Cuisine et dépendances" (1993): la cuisine qui est quasiment le lieu unique du film est l'équivalent des coulisses du spectacle dans laquelle deux personnages qui n'existent que par leur rôle social n'apparaissent jamais. Quant aux "dépendances", elles sont à prendre au sens figuré et évoquent les nombreuses relations de sujétion qui se sont créées dans un groupe d'amis autrefois unis: dépendance de l'épouse vis à vis de son mari, dépendance du frère immature et irresponsable vis à vis de la soeur et du beau-frère, dépendance de l'ami raté vis à vis du couple qui l'héberge, dépendance enfin de ce même couple dont la cuisine délabrée révèle les failles vis à vis d'un ancien ami perdu de vue qui a mieux réussi qu'eux et est devenu une vedette de la télévision. Leur réunion sous le même toit à l'occasion d'un dîner est le prétexte à un grand déballage en arrière-plan des rancoeurs, frustrations, haines, regrets avec l'originalité que ce qui d'ordinaire est caché est ici mis au centre du jeu alors que le dîner en lui-même est occulté.

Cependant, comparativement à leurs productions ultérieures, celle-ci est en dessous. D'abord parce que le réalisateur, Philippe MUYL n'est ni Cédric KLAPISCH, ni a fortiori Alain RESNAIS et n'a pas beaucoup d'idées pour animer ce qui reste du théâtre filmé. Et ensuite parce qu'en dépit des plaintes du caractère trop salé des plats dans le film, les Jabac sont plutôt des spécialistes des recettes douce-amère (dont je raffole, l'un de mes films préférés est d'ailleurs "La Garçonnière" (1960) de Billy WILDER qui est un modèle de réussite du genre) et que je trouve ici la recette bien plus amère que douce. Autrement dit s'il y a beaucoup de vacheries, il manque la tendresse qui fait justement tout le sel de "Un air de famille" (1996), "On connaît la chanson" (1997) et des films réalisés par Agnès JAOUI comme Le Goût des autres" (1999).

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