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Conte de Printemps

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1990)

Conte de Printemps

"Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison" était le (faux) proverbe champenois qui illustrait "Les Nuits de la pleine lune" (1984), le quatrième des six films de la série comédies et proverbes réalisés dans les années 80 par Éric ROHMER. Au début des années 90, le réalisateur débute un nouveau cycle de films, "les contes des quatre saisons" avec un "Conte de printemps" qui constitue une variation champêtre de son précédent récit. On y rencontre en effet une jeune femme, professeure de philosophie (Anne TEYSSÈDRE) qui à l'image de nombre d'héroïnes rohmériennes ne tient pas en place ou plutôt ne se sent à sa place nulle part. Jeanne se retrouve ainsi dans la situation ubuesque de posséder les clés de deux appartements (le sien et celui de son copain) mais de n'en habiter aucun, n'y faisant que passer. L'un (le sien) est en effet occupé par un autre couple et l'autre (celui du copain) est au contraire une coquille vide muséifiée. Telle Llewyn Davis, le héros SDF des frères Coen, Jeanne la nomade se met donc à squatter le canapé d'une amie lors d'une soirée où elle fait la connaissance de Natacha (Florence DAREL) qui l'invite à dormir chez elle. Plus exactement, elle l'invite à dormir dans la chambre de son père qui soi-disant n'est jamais là. Mais voilà que ledit père, un séducteur à quarantaine fringante (Hugues QUESTER) débarque juste au moment où Jeanne prend sa douche. Et pour couronner le tout, il possède lui aussi deux maisons, l'une à Paris et l'autre à Fontainebleau, idéale pour "conter fleurette" même si le panorama, à l'image du coeur des personnages est plongé dans le brouillard. A partir de là, tout est en place pour l'éclosion du désir et le marivaudage élégant dont Éric ROHMER a le secret. Et ce d'autant plus que la très jeune copine du père, Eve (Éloïse BENNETT) est détestée par Natacha qui rêve que sa place soit prise par Jeanne tandis que le copain absent de cette dernière semble ressembler presque trait pour trait au père de Natacha...

Comme à son habitude, on ne s'ennuie pas une seconde dans ce film aux dialogues finement ciselés dans lesquels le désir vient troubler les certitudes de Jeanne. On le sait, chez Rohmer les personnages se manipulent beaucoup eux-mêmes avant de l'être par les autres. Ainsi si le plan réel ou supposé de Natacha pour la jeter dans les bras de son père semble échouer, Jeanne en ressort suffisamment ébranlée pour permettre une fin ouverte à tous les vents... printaniers. S'il n'est pas le meilleur des quatre (il recycle beaucoup de thèmes vus précédemment et le casting n'est pas le plus flamboyant de la filmographie de Rohmer), il constitue un opening de bon augure pour la suite.

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