Qu'elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley)
John Ford (1941)
Un homme d'une soixantaine d'années dont on entend la voix mais dont on ne verra pas le visage est sur le point de quitter définitivement le village de mineurs dans lequel il a grandi au Pays de Galle. Il se souvient alors avec nostalgie de son enfance à la fin du XIX° siècle et nous fait entrer (littéralement) dans le quotidien de sa famille et de sa communauté. Un quotidien routinier marqué par les journées de labeur et les traditions (le patriarcat, la religion) avec ses joies (mariages, naissances) et ses peines (les accidents) que le jeune Huw (Roddy McDOWALL) souhaite perpétuer, refusant les autres perspectives qui lui sont offertes. Cependant, John FORD (qui s'est inspiré de sa propre famille) décrit un monde confronté au changement. Sous l'effet du surpeuplement, de l'exploitation capitaliste et des conflits sociaux, la famille Morgan se défait. Quand les fils ne meurent pas à la mine, ils sont obligés d'émigrer, celle-ci licenciant ses travailleurs les mieux payés pour en prendre d'autres à plus bas salaires. Le même délitement touche les institutions. L'école s'avère injuste envers les plus pauvres. L'Eglise se transforme en tribunal clouant au pilori les pécheurs (et surtout les pécheresses). La communauté réagit de façon grégaire, attaquant le père Morgan parce qu'il refuse de faire grève puis plus tard, l'ensemble de la famille lorsque des rumeurs courent sur une liaison entre la fille des Morgan (Maureen O HARA) et le pasteur (Walter PIDGEON). La décision de ce dernier de ne pas l'épouser s'avère à tous points de vue un désastre qui jette une ombre sur cet homme par ailleurs pétri d'aura humaniste. John FORD nous fait ressentir admirablement l'ambivalence de cette vallée, nourricière et mortifère à la fois à l'aide d'une série de plans saisissants, beaux comme des tableaux vivants. Ceux-ci embrassent la rue principale du village, pentue et bordée de corons avec tout au fond de l'image, la mine en surplomb. Cette composition du cadre dévoile les enjeux du film comme le fera plus tard celle qui ouvre et ferme "La Prisonnière du désert" (1956)".
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