L'Accompagnatrice
Claude Miller (1992)
L'ombre de la seconde guerre mondiale et le passage à l'âge adulte sont des thèmes récurrents dans la filmographie de Claude MILLER et en regardant la silhouette juvénile de Romane BOHRINGER dans "L'accompagnatrice", je n'ai pu m'empêcher de penser à celle de Charlotte GAINSBOURG que Claude Miller dirigea à deux reprises à la même époque alors qu'elle était adolescente et jeune adulte. Avoir un père célèbre et être de la même génération n'est pas leur seul point commun, elles ont une histoire familiale marquée par la guerre (tout comme Claude Miller). Quand Romane BOHRINGER tourna le film, elle venait juste d'être révélée par "Les Nuits fauves" (1992) et se retrouve à jouer avec son père, ce qui donne une résonance particulière à la séquence où Benoît (Julien RASSAM) demande la main de son personnage à Charles Brice, joué par Richard Bohringer qui lui répond qu'il n'est pas son père et que d'ailleurs, elle n'en a pas. Charles Brice par ailleurs marié à une cantatrice, comment ne pas songer à "Diva" (1980)?
"L'accompagnatrice" est un film qui a pour originalité d'établir un parallèle implicite entre la vie et la scène en adoptant le point de vue d'un personnage de l'ombre qui se fait le témoin des événements racontés dont elle reste majoritairement une spectatrice. Au début de l'histoire, il existe un contraste extrêmement tranché entre le monde terne et étriqué de Sophie fait de privations et de frustrations et celui des Brice, lumineux, luxueux et aventureux dont elle rêve de faire partie. Pourtant, l'envers du décor nous est montré presque immédiatement avec l'apparition de personnages douteux qui nous font comprendre que le couple s'est compromis avec le régime de Vichy et l'occupant et que c'est cela qui lui permet de maintenir son train de vie (Charles Brice aime à répéter qu'il était déjà riche avant la guerre). Sentant cependant le vent tourner (l'histoire se déroule en 1942/1943), les Brice décident cependant de partir se réfugier à Londres. A moins que ce ne soit un moyen pour Charles de reconquérir Irène qui vit une passion avec un résistant. Sophie choisit de partager leur sort (et donc de se faire le témoin de leur histoire) jusqu'au bout comme si elle préférait vivre vivre sa vie par procuration plutôt que de céder à Benoît, décrit par Irène comme "un futur employé des PTT" (soit le retour à la case départ). La fin de l'histoire est de ce point de vue très amère puisque Sophie perd finalement sur tous les tableaux.
Si le film se suit agréablement et est rehaussé par l'interprétation intense de Richard Bohringer dans le rôle d'un personnage complexe et au final tragique, il n'en reste pas moins que la transposition du roman d'origine de Nina Berberova me semble très affadie. Sophie telle que l'interprète Romane Bohringer semble fascinée par les Brice et avide de partager la moindre miette de leur existence bien plus que jalouse ou haineuse. Elle semble dénuée de toute conscience politique ou sociale malgré quelques tirades qui semblent tomber comme un cheveu sur la soupe et ressemble davantage à un fantôme qu'à une "deus ex machina" prête à se venger. L'ambivalence de sa relation aux Brice et surtout à Irène est à peine effleurée. La portée du film en est évidemment très amoindrie en apparaissant finalement comme une remake de "L'Effrontée", la fraîcheur de l'adolescence en moins.
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