Sin City
Robert Rodriguez, Frank Miller, Quentin Tarantino (2005)
J'aime beaucoup les oeuvres hybrides et "Sin City" l'est à tous les niveaux:
- Le style. "Sin City" transpose au cinéma l'esthétique de la bande dessinée de Frank Miller (co-réalisateur du métrage), devenant un semi-film d'animation produit par une filiale de Disney (incroyable mais vrai!). De plus, ce superbe noir et blanc sans nuances de gris est rehaussé par des taches de couleur qui symbolisent le vice et la violence mais qui la mettent également à distance en la stylisant.
- Le genre. L'univers, les personnages, les codes narratifs sont ceux du film noir des années 50 mais la violence grand-guignolesque et les belles filles guerrières, sexy... et interchangeables m'ont fait penser aux vipères assassines de "Kill Bill" d'un certain Quentin Tarantino qui d'ailleurs a également réalisé avec Robert Rodriguez les deux volets de "Grindhouse" ("Boulevard de la mort", lui aussi peuplé de belles pépées sans identité et "Planète terreur") et offre un coup de main sur certaines scènes de "Sin City".
- Les héros masculins. "Sin City" est un film de mecs "hard boiled", rompus à l'usage de l'ultra-violence (subie comme infligée), arpentant les bas-fonds nauséabonds d'une ville dont toutes les instances (justice, police, clergé, sénat etc.) sont corrompues. Et en même temps, ces hommes possèdent en eux un romantisme noir qui se manifeste notamment par le besoin d'épancher par la parole et/ou par l'écriture leur âme foncièrement mélancolique qui se raccroche à quelques îlots d'amour et de beauté. Si Mickey Rourke, méconnaissable, est absolument impressionnant dans le rôle de la brute Marv attaché au souvenir de la seule femme qui lui a offert une nuit d'amour, c'est Hartigan, campé par un Bruce Willis à son meilleur qui offre la prestation la plus complexe en homme malade et tourmenté par un amour impossible (car frappé de l'interdit d'un inceste symbolique qui, s'il le brave, le ravale au rang du prédateur dont il cherche à protéger la jeune fille qu'il aime depuis l'enfance). Côté méchants, le plus original et stylé est le silencieux mais néanmoins terrifiant cannibale interprété par Elijah Wood (pendant masculin de la découpeuse ninja Miho jouée par Devon Aoki) alors que le plus drôle (à son corps défendant) est Jackie boy (Benicio del Toro) dont la "prestation post-mortem" (réalisée par Tarantino) relève de la comédie d'épouvante.
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