La Gueule ouverte
Maurice Pialat (1974)
Avec "Cris et chuchotements" (1972) de Ingmar BERGMAN (auquel j'ai pensé en regardant le film) "La gueule ouverte", troisième film largement autobiographique de Maurice PIALAT est celui qui s'approche le plus près de la réalité de l'agonie et de la mort. On remarque d'ailleurs que leurs dates de sortie sont très proches et que depuis cinquante ans, le cinéma s'est plutôt éloigné de cette expérience terrible et banale à la fois (si on excepte les films évoquant les ravages du SIDA). Il faut dire que le sujet n'est pas porteur (le film de Maurice PIALAT a été un échec commercial). Mais là où "Cris et chuchotements" donnait lieu à un règlement de comptes entre soeurs, "La gueule ouverte" montre plutôt des personnages lâches, fuyants et enfermés en eux-mêmes. Philippe (Philippe LÉOTARD) se situe dans la continuité de Jean et de François, les protagonistes des deux premiers films de Maurice PIALAT, la violence en moins. Pourtant "La gueule ouverte" est plus violent en soi que "L Enfance nue" (1968) et "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972) puisque son fil conducteur est la dégradation très rapide de l'état de santé de Monique, la mère de Philippe et l'incapacité de celui-ci ainsi que de son père, Roger à l'accompagner vers la mort, le processus étant montré dans toute sa crudité. Ce que Maurice PIALAT montre également de façon magistrale, c'est la solitude de chacun dans un même espace c'est à dire dans le même plan. Le réalisateur ne fait pas dialoguer ses personnages en champ-contrechamp mais à l'intérieur du même tableau (j'emploie ce mot à dessein, Pialat ayant une sensibilité de peintre) et montre ainsi leur difficulté à nourrir le lien, à se parler vraiment. Les regards se fuient, les paroles sont convenues, les gestes, mécaniques, les émotions, réprimées (sauf à la fin quand Roger exprime son chagrin mais il est trop tard). Il en va de même dans la relation entre Philippe et Nathalie (Nathalie BAYE) dont on a bien du mal à croire qu'ils forment un couple (alors que Philippe LÉOTARD et Nathalie BAYE en formaient un dans la vraie vie et que leurs personnages portent leurs prénoms). Comme dans les autres films de Pialat, il se dégage de "La gueule ouverte" une impression de grande authenticité et ce jusqu'au moindre détail: Roger et sa clope vissée au bec par exemple est tellement représentatif des français moyens de cette époque! Quant à son comportement de chaud lapin, imité par Philippe (et montré crûment là aussi) il peut s'interpréter comme un moyen de conjurer la mort ou comme une diversion dans un contexte bien différent du notre (un poids beaucoup plus fort du catholicisme mais bien plus faible du féminisme tel qu'il s'exprime aujourd'hui).
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