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La Dernière fanfare (The Last Hurrah)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1958)

La Dernière fanfare (The Last Hurrah)

"La Dernière fanfare" est comme "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962) un film crépusculaire et testamentaire de John FORD, une oeuvre méconnue (parce que plus difficile d'accès) mettant en scène la dernière campagne électorale du vieux maire d'une grande ville de Nouvelle-Angleterre d'origine irlandaise Frank Skeffington (Spencer TRACY). John FORD réussit comme dans nombre de ses autres films le croisement de l'intime et du politique et donne un bel éclairage sur la société de son temps alors en mutation. Bien que ses méthodes soient plus que douteuses (chantage, instrumentalisation d'événements de la vie civile à des fins politiques sans parler de certains membres de son entourage qui ont pour lui une dévotion fanatique qui confine au déni de réalité), Skeffington est montré comme un personnage positif qui se soucie du sort des petites gens et aime aller à leur contact. Mais il est usé par ses quatre précédents mandats et dépassé par les nouvelles technologies, notamment l'importance croissante de la télévision. Bien que la scène dans laquelle son jeune adversaire apparaît dans la petite lucarne est volontairement caricaturale, elle annonce l'importance de ce média dans la vie politique: on pense au débat ayant opposé en 1960 Nixon à Kennedy, ce dernier ayant pris l'avantage grâce à sa plus grande maîtrise de l'outil médiatique. Sensibilité politique et appartenances religieuses et culturelles vont également de pair: Skeffington est logiquement catholique (comme John FORD et Spencer TRACY, tous deux d'origine irlandaise, le personnage de Skeffington étant un double d'eux-mêmes) alors que son adversaire bien que présenté également comme irlandais est la marionnette des WASP (white anglo-saxons protestants) qui représentent le groupe dominant, beaucoup plus conservateur*. La fracture est en effet également sociale, la mère de Skeffington (que l'on devine être un "self made man") ayant été humiliée par le père de l'un de ses adversaires acharné, le journaliste Amos Force (John CARRADINE) chez qui elle était domestique. Pour enfoncer le clou, on apprend que ce journaliste a appartenu au KKK. C'est donc en filigrane à une analyse des fractures de l'Amérique (plus que jamais d'actualité) qu'effectue John FORD, doublé du portrait d'un homme vieillissant qui livre le combat de trop. Si la première partie du film est solaire, la deuxième est mélancolique et funèbre. Privé de l'adrénaline de l'arène politique, le personnage tombe dans l'abîme des problèmes de santé (Ford et Tracy étaient eux-mêmes malades) et de la solitude. Sa famille est en effet inexistante. Comme dans "La Charge héroïque" (1949), l'homme est un veuf qui n'a pas fait le deuil de son épouse alors qu'aucune communication n'est possible avec son insupportable fils trop gâté. Enième élément d'identification puisque John Ford ne cachait pas l'amertume que lui inspirait son fils alors que l'avènement de la télévision avait pour conséquence la crainte des cinéastes d'être marginalisés.

* L'analyse de la filmographie de John FORD permet de mesurer à quel point il ne correspondait pas à l'étiquette de "traditionnaliste" qu'on lui a collée à la peau que ce soit dans son regard sur les femmes ou les minorités, lui-même ayant vécu des situations de discrimination. Il n'entrait en réalité dans aucune case.

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