L'Etau (Topaz)
Alfred Hitchcock (1969)
Lève-toi et marche! (Ou plutôt vole!) Dans cet antépénultième film de Alfred Hitchcock (suivront "Frenzy" et "Complot de Famille"), on voit le réalisateur sortir d'une chaise roulante, métaphore de son physique handicapant dans un aéroport qui lui est la métaphore du cinéma-évasion*. Il faut dire que question dépaysement, "l'Etau", thriller d'espionnage adapté du roman de Leon Uris a de quoi combler les fans du genre: Moscou, Copenhague, Washington, New-York, Cuba, Paris... En revanche, question scénario, c'est plus laborieux. "L'Etau" se suit sans déplaisir mais est alourdi par sa construction en segments reliés par un fil ténu (un personnage d'espion joué par un acteur inexistant, Frederick Stafford) qui compartimentent les personnages, les intrigues et les genres aussi bien dans la romance que dans le suspens. Reste que le savoir-faire de Alfred Hitchcock acquis durant sa période muette est intact et donne lieu à des passages sans paroles extrêmement réussis mobilisant toute l'attention du spectateur: le début par exemple avec l'exfiltration d'un haut fonctionnaire soviétique qui veut passer à l'ouest avec sa famille, la mise au parfum (il utilise la couverture d'un magasin de fleurs ^^) puis les manoeuvres d'un agent martiniquais et journaliste pour approcher et corrompre le secrétaire d'un chef castriste possédant des documents confidentiels sur la teneur de l'aide militaire de l'URSS à Cuba ou la fin avec un Michel Piccoli qui, s'il avait été présent depuis le début aurait pu faire figure de nouveau docteur Mabuse (son rôle d'agent double français s'inspire de faits réels). Et un plan devenu à juste titre iconique, celui de la mort de Juanita (Karin Dor) dont la robe, filmée en plongée s'ouvre comme la corole d'une fleur quand elle s'effondre et évoque une mare de sang. Bref, s'il n'est pas un Hitchcock majeur, "l'Etau" me semble sous-estimé et mérite d'être redécouvert dans sa filmographie.
* Comme Hayao Miyazaki qui a compensé toute sa vie sa myopie l'ayant empêché de devenir pilote par l'obsession des engins volants dans ses films.
Commenter cet article