Le Désert rouge (Il Deserto rosso)
Michelangelo Antonioni (1964)
"Le Désert rouge" raconte sur près de deux heures le mal-être de l'épouse d'un ingénieur dont la vie intérieure est aussi désolée que les paysages qu'elle traverse. Paysages industriels défigurés par la pollution et la métallisation mais pour lesquels Michelangelo ANTONIONI semble éprouver le même genre de fascination que Alain RESNAIS lorsqu'il célébrait en alexandrins "Le chant du styrène" (1958) en filmant les tuyaux des usines Pechiney. On est alors au coeur des Trente Glorieuses, époque où la dévastation et l'artificialisation de l'environnement par la société industrielle atteignait son apogée et s'accompagnait d'une deshumanisation et d'une standardisation de l'architecture. Michelangelo ANTONIONI utilise ce décor pour composer des toiles abstraites en jouant sur les formes et les couleurs, notamment primaires. Seule une séquence dans laquelle Giuliana, le personnage joué par Monica VITTI raconte une histoire à son fils tranche avec l'atmosphère grisâtre et brumeuse qui imprègne le film et contamine jusqu'aux rares éléments naturels, repeints en blanc ou en gris comme sur une toile de Magritte. Par contraste on y voit une très jeune fille sur une plage édénique sous un soleil éclatant. Ajoutons que l'expérimentation est aussi sonore, la bande-son électronique nous vrillant les tympans à chaque crise d'angoisse de l'héroïne.
Si tout ce travail formel est assez impressionnant et historiquement instructif, on ne va pas se voiler la face. Sur le fond, le film de Michelangelo ANTONIONI fait le vide autour de lui (à l'image du magasin ou de la cabane) et tourne en rond (à l'image de la toupie du gamin de Giuliana). La fin est d'ailleurs semblable au début, montrant ainsi l'impasse dans laquelle se débat le personnage durant tout le film sans trouver le début d'une solution à son mal-être existentiel sinon un flot de confessions assez absconses et quelques actions quasi mort-nées (ouvrir un magasin, prendre un amant, prendre un bateau et fuir très loin). Autrement dit, même si dans le genre on est dans le haut du panier, il s'agit d'un film arty avec beaucoup de masturbation intellectuelle dedans. Genre qui cartonne dans les festivals (le film a eu le Lion d'Or à Venise) tout autant que les films-chocs créés pour faire le buzz.
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