T'as de beaux escaliers, tu sais
Agnès Varda (1986)
Court-métrage de trois minutes de Agnès Varda, le concept de "T'as de beaux escaliers, tu sais" est l'ancêtre direct du magazine d'Arte "Blow up" créé en 2010 par Luc Lagier. Même point de départ, issu de l'actualité (le film qui date de 1986 a été conçu pour un anniversaire, celui des cinquante ans de la Cinémathèque française) et même principe, celui du montage d'extraits de films autour d'une thématique commune qui a également pour fonction de réveiller la mémoire cinéphilique du spectateur (ce que Luc Lagier appelle les "petites madeleines" qu'il a été évidemment été chercher "Du côté de chez Swann"). En 1986, la Cinémathèque française était encore domiciliée dans le palais de Chaillot, lieu qu'elle occupait depuis 1963 et l'appui des pouvoirs publics*. Appui à double tranchant puisque son co-fondateur, Henri Langlois avait été limogé en 1968 avant d'être réintégré grâce à la mobilisation du monde du cinéma français (dont la plupart des cinéastes de la nouvelle vague). Le palais de Chaillot étant situé sur une colline, on accédait à la Cinémathèque par des escaliers montants (vers le musée) ou descendants (vers la salle de cinéma) ce qui a donné l'idée à Agnès Varda de la thématique des escaliers, et d'un titre clin d'oeil à "Le Quai des Brumes" de Marcel Carné. Il est amusant de comparer son film au "Blow up" consacré aux escaliers au cinéma car bien évidemment on y retrouve des extraits communs, notamment une séquence développée différemment autour du célébrissime passage des escaliers d'Odessa dans "Le Cuirassé Potemkine". Agnès Varda reconstitue la séquence du landau à la Cinémathèque avec des spectateurs anonymes alors que Luc Lagier passe en revue quelques célèbres reprises dans des films ultérieurs. Autre lien commun, les escaliers comme métaphore de la grandeur et de la déchéance avec le "Citizen Kane" de Orson Welles ou le "Ran" de Kurosawa (qui témoignent de la programmation éclectique et ouverte de la cinémathèque). Ou encore les escaliers comme support chorégraphique des comédies musicales. Là où Varda met plutôt en avant l'utilisation comique voire burlesque de l'escalier ("Cover Girl", "Le Coup du parapluie"), Luc Lagier développe la thématique des scènes de combat en apesanteur. Enfin l'utilisation des escaliers dans les scènes de suspense ou de terreur sont absentes du film de Agnès Varda qui conserve un ton plutôt léger et ludique, même au moment du dernier extrait, consacré à "L'Histoire de Adèle H": c'est que Isabelle Adjani, alors au firmament de sa carrière fait une courte apparition à la fin du film. La musique est signée de Michel Legrand (et reprise partiellement de "Cléo de 5 à 7").
*Ce n'est qu'en 2005 qu'elle a déménagé à son emplacement actuel situé dans le parc de Bercy.
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