L'autre côté de l'espoir (Toivon tuolla puolen)
Aki Kaurismäki (2016)
J'aime bien le cinéma de Aki KAURISMÄKI dont les codes particuliers peuvent constituer un frein à l'adhésion du spectateur mais qui si on y entre a beaucoup à offrir. "L'autre côté de l'espoir" son dernier film en date est le deuxième volet d'une trilogie sur les migrants après "Le Havre" (2011) (on ne sait pas si il y en aura un troisième, Aki KAURISMÄKI ayant exprimé son souhait d'arrêter de faire des films). Fable humaniste comme l'était aussi "Le Havre" (2011), "L'autre côté de l'espoir" raconte la rencontre entre un migrant syrien débouté du droit d'asile et un finlandais quinquagénaire qui a décidé de refaire sa vie en tentant sa chance dans la restauration après avoir gagné au poker. Aki KAURISMÄKI conjugue avec bonheur réalisme social et politique (misère, violences racistes, témoignage frontal des horreurs de la guerre et de l'absurdité de la machine administrative) et décalage poétique créant un effet de distanciation salutaire (aspect rétro des décors dépouillés dont l'ameublement semble sorti de chez Emmaüs, minimalisme de personnages marqués physiquement mais peu bavards et peu expressifs, couleurs froides, mise en scène épurée, interludes musicaux rock et humour burlesque omniprésent désamorçant tout pathos)*. Le résultat est un film d'apparence froide mais généreux en réalité, mettant en avant la bienveillance et la solidarité des individus face à l'absurdité d'un système arbitraire dont Aki KAURISMÄKI se paye la tête (il affirme que la situation syrienne ne justifie pas la délivrance d'un titre de séjour alors que la scène suivante montre évidemment le contraire) et dont de simples citoyens finlandais déjouent les mécanismes à la manière des résistants de la seconde guerre mondiale mais sans avoir l'air d'y toucher (fabrication de faux papiers, aide à l'évasion, emploi au noir etc.) Quant aux tentatives de mutations mondialistes du restaurant vieillot racheté par le finlandais quinquagénaire, elles constituent les passages les plus drôles du film.
On distingue au moins deux grandes influences dans le cinéma de Aki KAURISMÄKI. L'une, américaine, vis à vis des grandes figures du burlesque muet (Charles CHAPLIN, figure du vagabond tutélaire de tous ses films et Buster KEATON pour le caractère impassible des personnages) et l'autre française, vis à vis du courant réaliste poétique à qui Aki KAURISMÄKI a rendu un hommage appuyé dans "Le Havre" (2011) (avec un personnage féminin appelé Arletty!) mais aussi vis à vis des polars minimalistes de Jean-Pierre MELVILLE et des films non moins dépouillés de Robert BRESSON.
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