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Si j'avais quatre dromadaires

Publié le par Rosalie210

Chris Marker (1966)

Si j'avais quatre dromadaires

"Si j'avais quatre dromadaires" est le pendant documentaire de "La Jetée" (1963) dans le domaine de la fiction. Il s'agit en effet d'un voyage à travers une succession de 800 photographies prises par Chris MARKER dans vingt-six pays différents entre 1955 et 1965 commentées par un photographe amateur et deux de ses amis. Le résultat est une belle réflexion sur l'acte de photographier aussi bien que sur ce qui est photographié.

Sur l'acte de photographier, le début du film en offre une belle définition:

" La photo c'est la chasse.
C'est l'instinct de la chasse sans l'envie de tuer.
C'est la chasse des anges...
On traque, on vise, on tire et clac!
Au lieu d'un mort, on fait un éternel."

On retrouve ainsi l'une des obsessions de Chris MARKER: le temps que la photographie fige pour le transformer en mémoire. Le rapport entre l'art et la mort est également évoqué. La vie est mouvement et changement perpétuel alors que la photographie, comme le cinéma l'arrête à un instant T qu'il fige pour l'éternité (si le support parvient à traverser le temps ou bien que son contenu soit récupéré à temps pour être sauvé sur un autre support ce qui là encore met en jeu les notions de mémoire et de transmission).

L'acte de photographier est également subjectif comme l'est toute forme d'art. C'est un regard sur le monde que nous offre Chris MARKER, son regard sur une époque marquée par la guerre froide qui divisait alors le monde en deux systèmes antagonistes. Bien que Chris MARKER penche nettement à gauche (critique mordante du capitalisme à l'aide de punchlines bien senties, fascination pour la Russie et Moscou en particulier, place privilégiée de Cuba, insistance sur les inégalités sociales et la pauvreté), son documentaire souligne ce qui réunit les peuples par delà ce qui les sépare. La succession des photographies abolit non seulement le temps mais aussi l'espace: ainsi la promenade des anglais à Nice est immédiatement suivie par "la promenade des chinois" sur la grande Muraille. Il n'y a plus qu'un seul fuseau horaire et je devrais dire, un seul langage de visages et de sons mêlés qui se répondent: par exemple la musique traditionnelle japonaise se fait entendre sur des images occidentales. Le documentaire (dont le titre se réfère à un poème de Guillaume Apollinaire) est par ailleurs divisé en deux parties inégales: l'une sur la culture ("le château") et l'autre sur la nature humaine ("le jardin").

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