Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country)
Sam Peckinpah (1962)
En regardant "Coups de feu dans la Sierra", le deuxième film de Sam PECKINPAH sorti la même année que "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962) de John FORD, j'ai pensé à la chanson des Doors "The End". Car ces deux films ont en commun leur enterrement de première classe du western dit "classique", pionnier, solaire, héroïque, rempli de certitudes et de manichéisme (même s'il y a une infinité de nuances à l'intérieur du genre) au profit du western "moderne", désenchanté, critique, nostalgique bref "crépusculaire" dans lequel les cow-boys ont pris un sacré coup de vieux et le gris a remplacé le noir et le blanc. Joel McCREA et Randolph SCOTT (dont ce fut le dernier rôle), deux vétérans du western de série B (même si le premier a eu une carrière plus diversifiée en tournant pour Alfred HITCHCOCK, Maurice TOURNEUR, William WYLER, King VIDOR ou encore Ernest B. SCHOEDSACK) interprètent respectivement Steve Judd, un ancien shérif et Gil Westrum son ex-adjoint réduits à vivre d'expédients dans une société qui désormais les méprise. Gil travaille dans un stand de foire déguisé en Billy the kid alors que Steve doit cacher à ses commanditaires les signes de son vieillissement, allant chausser ses lunettes pour lire son contrat dans les toilettes. Tous deux acceptent de reformer leur équipe afin de convoyer de l'or d'une mine jusqu'à la banque mais leur état d'esprit diverge. Si Steve a gardé ses valeurs "old school", Gil, dégoûté par leur déclassement et leur misère est prêt à trahir leurs anciens idéaux et à voler l'or. Ca ne l'empêche pas de manifester du respect à son compagnon (qui l'a d'ailleurs percé à jour) et de former Heck (Ron STARR), un petit jeune tête brûlé dénué de savoir-vivre mais qui a la fin du film apparaît comme un gentleman comparé aux brutes épaisses rencontrées dans la ville minière. Comme quoi Gil n'est pas dénué d'ambiguïtés ce qui rend son personnage passionnant. Le fameux gris évoqué par le quatrième personnage important du film, Elsa (Mariette HARTLEY), jeune fille révoltée et fugueuse qui comprend que le monde ne se divise pas en deux catégories, les bons et les méchants, contrairement au bourrage de crâne qu'elle recevait de son père (R.G. ARMSTRONG), fondamentaliste chrétien assez effrayant par son fanatisme et son oppression sur sa fille qu'il cherche à "posséder". Celle-ci n'est pas au bout de ses peines. A cause de son inexpérience liée à sa claustration, elle manque de peu tomber dans un piège sordide, son mariage donnant lieu à une séquence cauchemardesque et très audacieuse pour l'époque qui participe pleinement à démythifier le western par son ambiance glauque (pour ne pas dire dégénérée). Mais les deux vieux briscards veillent sur elle. Heck et Elsa représentent donc leurs héritiers dans ce très beau et prenant western travaillé par sa propre finitude mais encore plein de panache! Et les paysages, très expressifs (y compris celui, "lunaire" de la ville minière) sont somptueux.
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