Les Autres (The Others)
Alejandro AMENÁBAR (2001)
"Les Autres" suggère dès son affiche la coexistence de deux mondes incompatibles à la manière du tableau surréaliste de Magritte "L'Empire des lumières". Il y en a effet deux sources de lumière dans "Les Autres": celle qui émane des lampes à pétrole qui éclairent l'intérieur d'un manoir sinistre où vivent en reclus et hors du temps Grace (Nicole KIDMAN) et ses enfants au milieu d'une île plongé dans un épais brouillard. Et celle de la lumière du jour qui leur est interdite car les enfants de Grace, frappés par une mystérieuse maladie ne peuvent la supporter. Tels des vampires, ils vivent donc rideaux tirés sans voir personne excepté trois domestiques étranges qui un jour viennent taper à leur porte et semblent bien les (re)connaître. Malgré toutes les précautions de Grace qui semble toujours sur le qui-vive pour protéger ses enfants, la lumière extérieure (celle de la vérité?) finit par s'immiscer dans leur lugubre prison.
"Les Autres" vaut surtout pour ses qualités formelles. A l'image du manoir victorien aux pièces plus épurées les unes que les autres, le cinéaste a puisé son inspiration chez Alfred HITCHCOCK (avoir choisi Nicole KIDMAN pour interpréter un personnage qui s'appelle Grace n'est certainement pas une coïncidence) et Jack CLAYTON. "Les Autres" est en effet une variante de "Les Innocents" (1961) lui-même tiré du livre de Henry James, "Le Tour d'écrou". Le fantastique est suggéré par la mise en scène, la bande-son et l'atmosphère qui est le point le plus remarquable du film comme je l'ai signalé plus haut. Reposant comme "Sixième sens" (1999) sur un complet renversement de perspective final, "Les Autres" fait le choix de l'illusionnisme en mettant les fantômes sous le nez du spectateur mais en les rendant aussi invisibles que "La Lettre" d'Edgar Allan Poe.
Toutefois si le travail formel est brillant, les films qui ont servi de modèles à Alejandro AMENÁBAR lui sont supérieurs car il manque à "Les Autres" un véritable substrat humain. De ce point de vue, on reste en surface et c'est dommage.
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