Sauvages (Savages)
James Ivory (1972)
Film très peu connu de James Ivory, le premier tourné dans sa patrie d'origine, "Savages" est une sorte d'essai filmé d'un intérêt franchement inégal. Le début est prometteur et m'a fait penser à "L'aube de l'humanité", la première partie de "2001, l'Odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick avec sa tribu primitive qui voit soudain surgir venue d'un autre espace-temps une balle de croquet. Le noir et blanc et le muet établissent un parallèle entre les origines du cinéma et celles de l'homme. Mais la suite qui se déroule dans une villa sudiste pendant l'entre deux guerres est beaucoup plus laborieuse. Ivory a visiblement voulu faire une satire de la société mondaine décrite dans les romans de Francis Scott Fitzgerald à la manière surréaliste de Luis Buñuel. En établissant un parallèle entre chaque membre de la tribu de sauvages et sa version soi-disant "civilisée", on comprend assez vite le message qu'il veut faire passer et qui est une déconstruction de l'idéologie coloniale fondée sur la prétendue supériorité de la culture occidentale ("mission civilisatrice" en version française, "fardeau de l'homme blanc" en version anglaise). Mais le résultat est hélas confus et longuet. Les quelques bonnes idées de mise en scène (utiliser l'espace de la villa pour faire ressurgir les bas instincts dans la cave et dans la piscine, l'animalité dans les bois qui bordent le terrain de croquet ou l'élévation spirituelle dans le grenier) sont noyées dans des scènes inutilement étirées qui finissent par susciter l'ennui. Les personnages ne sont pas d'ailleurs assez caractérisés pour endosser des "rôles sociaux" pertinents. Les femmes en particulier sont interchangeables. Quant aux invertis, on se demande ce qu'ils viennent faire là car ils n'apportent absolument rien à l'intrigue. Intéressant donc mais inabouti.
Commenter cet article